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  • 23 février 2015

    La peur du noir

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    Lorsque j'étais petit, j'avais, comme beaucoup de bambins, une peur irraisonnée du noir. Je me souviens particulièrement de cette terreur totale d'avoir à traverser le vaste couloir pour regagner ma chambre le soir, et d'avoir à croiser en passant, l'immense cage d'escalier béante que mon imagination déjà fertile transformait à loisir en un repère de quelques créature infernales tapies dans le creux des marches et dont les immenses mains crochues me saisiraient au passage pour m'emmener avec elle dans les profondeurs obscures du néant. 

    Longtemps, très longtemps j'ai ressenti l'étrange sensation de pouvoir à tout moment être absorbé par l'épaisse noirceur que je savais me regarder du bas des escaliers et dont je pouvais pratiquement éprouver la présence malveillante. Ce n'est donc qu'en courant et le corps transit de frissons que je traversais d'un seul trait l'espace me séparant de ma chambre dont je ne refermais qu'aux deux tiers la porte.

    Mais aussi horripilante fut-elle, traverser le couloir n'était pas, pour mon frère et moi, la source de notre plus grande terreur...

    Celle-ci survenait généralement le soir au détour d'une injonction a priori totalement anodine de ma mère, qui, occupée aux fourneaux, nous demandait : 
    "Les enfants, vous pouvez aller me chercher une botte d'oignons au frigo ?"
    A cette simple question, notre sang se figeait instantanément face à la terrible épreuve que nous devions surmonter : il nous fallait aller au frigo....

    Le frigo désignait, chez mes parents, un gros bâtiment partiellement désaffecté, anciennement à usage de chambre froide agricole voué au stockage des fruits d'été, et dans lequel mes parents entreposaient alors les récoltes d'oignon et d'ail de l'été du jardin familial.

    Située à une petite centaine de mètres de la maison, la bâtisse se voyait de loin. Massive, cubique, elle avait l'air d'avoir été là depuis toujours. De profil, sa toiture asymétrique à deux pans ajoutait encore à la dissonance étrange de cet inquiétant bâtiment à l'imposante stature anguleuse. Loin de se fondre dans le paysage, il s'imposait à lui, le dominait, l'écrasait, le soumettait et l'asservissait à sa sévérité. Et le soir tombant ne faisait que décupler l'allure inquiétante de cette ombre immobile, confinant alors au monstrueux.

    Dénuée de tout élément décoratif qui pouvait en égayer l'épaisse allure stalinienne, trois vastes fenêtres percées très haut sur ses façades observaient fixement l'extérieur, sans que l'on ne puisse en rien deviner l'aspect intérieur de l'énorme chose grisâtre. Çà et là, le vieux crépi uniformément gercé, comme un vieux vêtement usé qui se fend, laissait apparaître à travers ses plaies béantes les strates rouges de la brique et du mortier. Parfois on croyait même l'entendre respirer...

    Après avoir gravi les trois marches d'un petit escalier en béton, l'on pénétrait à l'intérieur par l'unique porte de bois écaillé à la peinture défraîchie de couleur indéfinie. Malgré leur âge indéterminable, les gonds ne grinçaient pas et la porte s'ouvrait avec une infinie souplesse sur un immense volume culminant à près de huit mètres de haut, sans la moindre difficulté. Une invitation à entrer...

    Don't be scared Danny boy.... Do you want a balon ? 
    Do they flote ?
    Hoooo yes, they flote...!


    Un bric-à-brac sans queue ni tête témoignait encore en filigrane du passé des lieux. Ici une vieille calibreuse circulaire à fruits bardée de ressorts et de poulies, là des caisses empilées jusqu'au plafond, des vases ébréchés abandonnés sur un vieux fourneau à bois... ici une vieille table poudrée de poussière et ses chaises cassées disposées de la même façon que si de mystérieux convives s’apprêtaient à s'y asseoir. A travers les hautes vitres tapissées toiles d'araignées, les arbres projetaient leurs gesticulantes ombres noires.
     
    Tout cet attirail carnavalesque formait un paysage grotesque tout aussi fantastique que merveilleux pour les enfants que nous étions. Aussi étrange que cela puisse paraître, le frigo n'était pas systématiquement l'objet de la terreur pétrifiante que mon frère et moi redoutions plus que tout. Il nous arrivait même d'y jouer à cache-cache avec nos cousins et cousines, dans un brouhaha de rires d'enfants quasi paradoxal. Peut-être une manière inconsciente d'en mieux exorciser la crainte, et je me demande parfois si ce ne sont d'ailleurs pas nos vifs éclats de joie qui éloignaient au moins temporairement les forces malfaisantes du lieu, faute de les en pouvoir définitivement chasser.

    Car une fois les rires fanés et les enfants partis, le lugubre régnait à nouveau.
     
    Que l'on y entrât de jour ou de nuit, l'intérieur du frigo fourmillait continuellement de mille grincements, murmures et bruissements venus de partout et de nulle part, bois qui craque, sifflement du vent à travers un carreau brisé, entrecoupés d'inquiétants silences. Et quand soufflait le terrible vent d'autan qui faisait ployer les arbres, le toit de tôles vibrait en de sourds battements métalliques qui suscitaient un état d'effroi le plus total, comme si le diable s'était assis lui-même à califourchon sur le faîte, et s'était mis frapper la charpente de toute ses forces.

    Et au fond, tout au fond, il y avait la porte... La porte de la chambre froide.

    Haute de trois mètres, barrée d'un complexe mécanisme d'épais leviers et contre-leviers, lourde, épaissement calfeutrée, j'espérais toujours qu'elle fut fermée cette porte. J'espérais surtout de n'avoir jamais à l'ouvrir ni d'entendre, à chaque fois que j'eus à la manipuler, ce râlement sourd et étouffé que l'on eut cru sorti du gosier d'un géant.

    Entrer et voir la porte du fond ouverte faisait surgir en moi la peur décuplée que je pouvais ressentir lorsque je passais à côté des escaliers en traversant le couloir. Car derrière cette porte, dormaient les ténèbres les plus épaisses qu'il se puisse concevoir. Un espace hors du temps, hors de tout, humide, mal éclairé, froid, noir, glacial.

    Oui, cet endroit fut la cause de mille cauchemars. Plus d'une fois il m'est arrivé la nuit de me réveiller en sursaut après avoir rêvé que je me faisais engloutir par cette porte béante puis que, poussée par quelque esprit espiègle dont je devinais que le lieu était totalement hanté, elle se refermait à jamais sur moi, et que je me retrouvais alors livré aux tourments de je ne sais quels esprits facétieux...

    Aujourd'hui encore ce lieu continue de réveiller en moi des frayeurs irraisonnées. Si je n'ai plus autant peur qu'avant d'y aller chercher une botte d'oignons, je ne puis oublier ces souvenirs d'enfance aussitôt ravivés par les grincements et les ombres qui habitent toujours l'endroit dans lequel je ne me rends jamais sans emporter une lampe de poche. Juste au cas où...
      

    15 février 2015

    La Photo du Mois : Coup de coeur

    17 commentairess
    Bonjour tout le monde, nous sommes le 15 Février, il est midi, c'est donc le jour et l'heure de notre rendez-vous mensuel avec La photo du mois !

    Chaque mois les blogueurs participants publient une photo en fonction d'un thème donné. Toutes les photos sont publiées sur les blogs respectifs des participants, le 15 de chaque mois, à midi, heure de Paris.

    Ce mois-ci le thème proposé est : Une photo coup de cœur.

    Ne voulant pas tomber dans la facilité - parfois salvatrice - de piocher dans mes archives, je me suis efforcé de choisir une photo parmi les plus récentes, ce qui n'est pas évident car, ayant peu voire plus le temps du tout de faire de la photo en ce moment, le choix s'en trouvait fort réduit.

    Pourtant, cette photo a retenu mon attention. Non pas qu'elle soit un coup de cœur à proprement parler, mais qu'elle m'évoque un film coup de cœur.

      
    Ce lieu n'existe pas, ou plus. Ou du moins pas tel qu'il est représenté ici. Car il s'agit d'un décors miniature, réalisé par Dan Ohlmann, et photographié en décembre dernier au Musée du cinéma et de la miniature de Lyon.

    Il représente la grande salle de restaurant du Paquebot Normandie.

    J'ai été littéralement saisi par ce décors, ses détails, sa profondeur et l'ambiance étrange qui s'en dégage, comme si les lieux nous communiquaient une forme de joie festive soudain interrompue par un drame insoutenable dont les meubles figés et l'apparence de tranquillité bien ordonnée masquaient d'autant l'horreur abyssale.

    Ce décors un peu inquiétant me rappelle la grande salle de bal d'un hôtel mythique, juché en haut d'une montagne, et dans les couloirs duquel joue un petit garçon avec son tricycle...
    " Couché dans son lit, les yeux ouverts, le bras gauche serrant son vieil ours fatigué (Pooh avait perdu un de ses yeux en boutons et sa bourre s'échappait par douzaine de coutures éclatées), Danny écoutait dormir ses parents dans leur chambre. Il avait le sentiment que, sans le vouloir, il montait la garde sur eux. C'était la nuit que le vent se mettait à hurler autour de l'aile ouest de l'hôtel. Il détestait tout particulièrement les nuits - elles étaient pires que tout."
    [Stephen King, The Shining]

    La photo du mois continue chez les blogs participants :

    A chaque jour sa photo, A'icha, Agathe, Agnès, Akaieric, Alban, Alexinparis, Amy, Angélique, Arwen, Aude, Autour de Cia, Ava, Bestofava, BiGBuGS, Blogoth67, Blue Edel, Brindille, Calamonique, Cara, CetO, Champagne, Chat bleu, Chloé, Christelle, Christophe, Claire's Blog, Cocazzz, Cricriyom from Paris, CécileP, Céline, Céline in Paris, Dame Skarlette, DelphineF, Destination Montréal, Dr. CaSo, El Padawan, Estelle, Eurydice, Eva INside-EXpat, Fanfan Raccoon, François le Niçois, Frédéric, Galéa, Gilsoub, Giselle 43, Gizeh, Guillaume, Homeos-tasie, Iris, Isa ToutSimplement, Isaquarel, Josette, Josiane, Julia, Jülide-Trognon de pomme, KK-huète En Bretannie, Krn, La Fille de l'Air, Lau* des montagnes, Laulinea, Laurent Nicolas, Laurie, Lavandine, Lavandine83, Lecturissime, Les bonheurs d'Anne & Alex, Loulou, Luckasetmoi, Lyonelk, magda627, Mamysoren, Marie, Marmotte, MauriceMonAmour, Milla la galerie, Mimireliton, MissCarole, Morgane Byloos Photography, MyLittleRoad, Nanouk, Nicky, Philae, Philisine Cave, Pilisi, Pixeline, princesse Emalia, Renepaulhenry, Rythme Indigo, Salon de Thé, Sandrine, SinuaisonsTataflo, Testinaute, Thalie, Tofashionandbeyond, Tuxana, Utopique-Lily, Voyager en photo, Wolverine, Woocares, Xoliv', Yvette la Chouette