• A propos
  • M'écrire
  • Facebook
  • Instagram
  • Lutte Nuptiale
  • Premières fois
  • Identités Singulières
  • Twitter
  • 31 octobre 2016

    Le Kouglof de ma grand-mère

    5 commentairess
    Faire un kouglof à Toulouse pourrait avoir quelque chose d'incongru. Cette recette me vient de ma grand-mère maternelle. Elle le réussissait très bien et, sachant que c'était un gâteau que j'appréciais beaucoup, elle nous en préparait un pour notre petit déjeuner chaque fois que nous allions la voir chez elle, au pied de son Mont Blanc adoré. 

    C'est elle qui m'a appris à le faire lorsque je devais avoir 14 ou 15 ans. C'est avec elle que j'ai acheté mon premier et seul moule en terre cuite vernissé (laissé chez mes parents, il me faudra m'en procurer un autre)... 

    Aussi, chaque fois que je fais cette recette, c'est en pensant à elle. Et je souris bêtement avec une petite larme à l’œil malgré moi en écrivant ces lignes. Nostalgie...

    Je ne sais pas si c'est LA vraie recette du kouglof, si elle est parfaitement académique et répond à tous les canons du genre, mais dans cette version, le Kouglof est une sorte de pâte à pain améliorée d'un peu de beurre, de sucre, d'un œuf et de quelques raisins secs trempés dans du rhum. Je m'en fais une idée assez rustique d'origine populaire, et certainement pas digne de la pâtisserie bourgeoise et d'apparat telle qu'elle éclora en France à la fin du XVIIIe siècle. À l'époque, tout un chacun faisait son pain. Les oeufs comme le beurre et le sucre étaient chers et rares, donc employés avec parcimonie : le kouglof n'est pas une brioche... Même chose pour les raisins secs et rhum.

    Voilà tout ce qu'il vous faut pour réaliser un Kouglof :
    • 300g de farine
    • 80g de sucre
    • 80g de beurre en pommade
    • 10g de levure de boulanger
    • 1/2 de verre de lait tiède
    • 1 œuf
    • 1 verre de raisins secs (noirs ou blonds, peu importe)
    • Du rhum
    • Des amandes effilés (pour décorer votre moule)
    • 1 moule à Kouglof
    L'on constate tout de suite que la recette est très peu sucrée et contient assez peu de beurre. De fait, je n'aime pas beaucoup les kouglofs trop sucrés ou trop beurrés dont on ne sait plus s'ils sont une brioche, un kouglof ou un panettone...

    1/ Commencez par mettre les raisins à tremper dans le rhum.

    2/ Pendant ce temps, vérifiez le mode d'emploi de votre levure. Souvent j'utilise de la Briochin qui ne demande aucune préparation et s'incorpore directement dans la préparation. En revanche, hier, j'ai utilisé une levure à délayer et à laisser préalablement reposer dans un peu de lait tiède. Dans ce cas, il faudra aussi faire attention au lait que vous ajouterez par la suite afin que votre pâte ne soit pas trop humide.

    3/ Dans une jatte, mettre la farine, 1 pincée de sel, le sucre, la levure ou le levain, l’œuf entier, et un peu de lait (allez y mollo, ne versez pas tout d'un coup ; vous pourriez ne pas avoir besoin de toute la quantité). 

    4/ Agglomérer le tout puis malaxer longuement de sorte à incorporer le maximum d'air, sans tasser la pâte. Incorporer progressivement le beurre.
    Si vous faites cela au robot, utilisez le crochet, laissez tourner à vitesse 1 ou 2, en continu pendant au moins 10 minutes, pour que le gluten se développe. La pâte doit devenir bien élastique sans être cassante. 
    À la main cela demandera évidemment beaucoup plus de temps (une bonne vingtaine de minutes). La pâte doit se détacher toute seule du fond du saladier sans coller ni adhérer aux mains, comme une pâte à pain. Allez, on y croit !

    5/ Égouttez les raisins, ajoutez les à la pâte et pétrissez encore jusqu'à absorption complète de l'humidité apportée par le rhum, sans ajouter de farine (ou alors en ultime recours !).

    6/ Votre pâte est nickel, laissez-là reposer et lever dans un endroit tempéré (utilisez la fonction étuve de votre four en mettant tout de même un récipient rempli d'eau). La pâte doit doubler voire tripler de volume. Cela prendra sûrement plusieurs heures, ou même toute la nuit.  

    7/ Quand votre pâte a bien levé, pétrissez-là à nouveau quelques minutes, puis préparez votre moule.

    8/ Cette étape est facultative mais pour moi elle fait partie du rituel Kouglofien. Beurrez généreusement votre moule jusque dans les moidres recoins, puis disposer, le long de chaque cannelure, des amandes effilées. Oui, c'est longuet, il faut choisir de belles tranches d'amandes qui ne soient pas toutes cassées et les appliquer une à une au doigt, mais votre Kouglof sera tout joli une fois démoulé. 

    9/ Formez une coronne avec votre pâte et disposez là délicatement au fond du moule sans la tasser. Laissez lever encore une fois jusqu'aux 2/3 de la hauteur.

    10/ Quand votre pâte a bien poussé, mettez le four à chauffer thermostat 6 (180°C), puis enfournez pendant une quarantaine de minutes à mi-hauteur. 

    11/ Au bout de 40 minutes vérifiez la cuisson avec un couteau puis démoulez sur une grille. Une odeur de levain doit envahir votre cuisine... Laissez refroidir avant de le dévorer.

    Selon votre goût et vos expériences, vous rajouterez dans cette recette un peu de sucre ou un peu de beurre, je ne crois pas que cela soit un affront. Le principal est de rester fidèle à l'esprit du gâteau.

    Je sais que souvent on poudre le Kouglof de sucre glace une fois refroidi. Personnellement je trouve que cela ne sert à rien, sinon à masquer les jolies amandes que vous vous serez mis tant de mal à disposer dans les cannelures... et puis à se mettre du sucre glace partout en le mangeant ! Et puis surtout, moi, ma grand-mère, du sucre glace, elle n'en mettait pas...

    La recette n'est pas bien difficile, mais elle demande beaucoup de temps, en raison des deux levées. Hé oui, il faut se donner un peu de mal pour faire un bon Kouglof.

    Du temps, et un peu d'amour aussi.
    Au fond, la cuisine, ce n'est peut-être que cela... 

    29 octobre 2016

    Roujin Z - sur un scénario Katsuhiro Otomo

    0 commentaires
    Croire que l'on a fait le tour de l'oeuvre de Katuhiro Otomo en ayant vu et lu l'immense Akira est une grave erreur.   

    Outre l'indispensable Anthologie que j'avais eu l'occasion de chroniquer en ces lieux voici huit ans déjà, et l'incroyable Domu dont il me faudra parler un jour, il faut s'en remettre à une certaine sérendipité pour débusquer ici et là quelques autres petites choses ma foi fort sympathiques à se mettre sous la dent. 

    L'animé Roujin Z sorti en 1991, réalisé par Hiroyuki Kitakubo et dont Otomo a écrit le scénario, en fait assurément partie.

    Face à la réalité du vieillissement croissant de la population, un laboratoire a mis au point une machine révolutionnaire - le projet Z-001 - capable de prodiguer tous les soins nécessaires à ce que nos petits vieux coulent leurs dernières années sans plus être un fardeau insoutenable pour leurs proches. Toilette intime, gros caca du matin et petit pipi du soir, alimentation, surveillance médicale constante, sport, divertissement, accès internet et jeux en ligne, tout est là pour le bien être des personnes du troisième et du quatrième âge.

    Monsieur Takazawa sera donc le premier cobaye à bénéficier de ce petit bijou technologique. Exit son infirmière attitrée, Haruko, étudiante en médecine, qui venait lui rendre visite chaque jour et donner à manger au chat. Place à la modernité. La machine à intelligence artificielle prends le relais, le progrès est en marche.

    Sauf que les choses ne vont pas se passer exactement comme prévu. Le projet Z-001 s'emballe, devient rapidement hors de contrôle et s'échappe dans la nature. Aussitôt l'armée est mobilisée face à ce qui est alors considéré comme une menace craindre pour la sécurité nationale. Mais le voile se lève sur les côtés obscurs du projet : était-ce réellement une bonne idée d'équiper un matériel médical d'infrastructures informatiques initialement conçues pour des fins militaires ? Quelles sont les intention de Z-001 et de Monsieur Takazawa ? Ami ou ennemi ? Et qui est réellement cette voix qui parle par le système du Z-001 ? 

    Roujin Z m'a frappé par son actualité et la modernité des questionnements abordés.

    La combinaison de nombreux thèmes d'horizons variés, pour certains ils sont classiques, l'on songera à la créature de Frankenstein qui échappe au contrôle de son maître, y est pour beaucoup.

    D'autres sont traditionnels de la littérature manga : la relation de l'homme à la machine ; la conscience (Ghost in the Shell !!) ; la frontière entre l'humanité et la robotique ; et peut-être tout simplement un questionnement sur notre propre humanité et ce qui en fait l'essence. Pouvons-nous réellement remettre notre entière existence entre les mains des machines sans y perdre notre humanité ?

    Est ici en outre abordée une thématique je crois assez nouvelle et encore peu explorée - à l'exception notable de Soleil Vert - celle du vieillissement de la population et de la place dévolue aux personnes âgées dans nos sociétés modernes. Les éléments de réponse qui y sont apportés sont, ma foi, assez cocasses, plutôt drôles, mais probablement justes et en tout cas pleins de tendresse.

    Je n'ai pas eu la possibilité de voir cet animé en HD, par conséquent je ne me prononcerai pas sur la qualité de l'animation qui m'a paru parfois un peu vieillotte ou qui m'a du moins laissé le sentiement que l'on avait pu faire mieux. Mais il faut croire qu'elle est, dans des conditions normales, de fort bonne facture : son réalisateur Hiroyuki Kitakubo était en effet principal responsable de l'animation sur Akira !

    Les décors, ceux du Japon des années 90 et certainement encore d'aujourd'hui, n'ont pas pris une ride : les ruelles étroites, les maisons aux portes coulissantes, la nature verdoyante, le gros chat de la maison qui baille, en opposition avec une ville très urbanisée, aux équipements modernes.

    L'on reconnaîtra aussi certains éléments dont Otomo use à loisir dans ses oeuvres et qui lui permet de pousser la métaphore assez loin lorsqu'il s'agit de donner vie aux machines. Je veux parler des tubes grouillants comme des tentacules, qui s'enflent, saisissent et détruisent. C'est vraiment une caractéristique chez cet auteur.

    Niveau musique en revanche, là en revanche c'est carrément daté, ce qui vient  gâcher un petit peu certains passages qui prennent tout d'un coup des airs grand guignol là où l'on aurait probablement souhaité un peu plus de drame. C'est toutefois un défaut mineur.

    Si Roujin Z  n'a pas l'envergue d'un Akira, ni même celle d'un Studio Ghibli, il reste malgré tout une oeuvre profonde, très riche et qui mérite largement le détour aux amateurs du genre.

    24 octobre 2016

    Identités singulières : Être gay et croyant - 4ème partie

    13 commentairess
    Est-il possible d'être gay et croyant en 2016 ? 

    Au rythme de un par quinzaine, vous seront présentés plusieurs témoignages guidés par un questionnaire en neuf points laissant toutefois la possibilité d'aménager les réponses librement. Autant de parcours de vie, tous différents - voire totalement contradictoires - de personnes venues d'horizons assez variés et croyantes à divers degrés. Des identités singulières.

    L'objet de cette série de billets n'est certainement pas de faire un quelconque prosélytisme - il suffira de lire pour s'en rendre compte - ni de clore un débat bien trop vaste. 

    Il s'agit seulement d'essayer d'apporter sinon des éléments de réponse, du moins des éléments de réflexion à une question complexe que je trouve passionnante.

    Et s'il s'en trouve parmi les lecteurs qui seraient intéressés pour laisser à leur tour leur témoignage, n'hésitez par à me contacter par courriel : tambour.major@yahoo.fr

    * * *


    Henri


    1. Peux-tu te présenter ? Âge, profession (quelques mots pour décrire ce que tu fais), où tu habites, où tu as grandi.

    J’me présente, je m’appelle Henri, j’voudrai bien réussir ma vie, être aimé. Être beau, gagner de l’argent puis surtout être intelligent … 

    J’ai 52 ans, je suis né à Rouen en Seine-Maritime et je viens juste de m’y installer après avoir vécu à Paris longtemps.


    2. A quels moments de ta vie as-tu compris puis accepté ton homosexualité ? Quel a été ou quel est ton cheminement ?

    J’ai commencé à regarder les garçons vers 12 ans sans trop savoir le pourquoi du comment. C’est au lycée que j’ai vraiment pris conscience de mon homosexualité. Au début des années 80, l’homosexualité n’est pas encore rentrée dans les mœurs, c’est un euphémisme. Pour trouver des gars comme moi ça n’a pas été simple et pas simple du tout de trouver un bar gay, une discothèque gay, à Rouen, en province donc et en 1980 !

    Et puis, une graphologue que j’avais consultée m’a dirigé vers une psychologue auprès de qui je me suis fais confirmer qu’être homosexuel n’était en aucune façon une maladie. À partir de là, j’ai vraiment assumé. Mais avant ça, j’ai bien sûr expérimenté dans le plus grand secret, of course. C’était en 1984, j’avais 20 ans, j’avais eu de l’argent par mon premier job d’été avec lequel je me suis offert un blouson aviateur en cuir et les séances de la psy.

    Ensuite, après avoir emménagé à Paris pour me bâtir une carrière professionnelle et une vie sexuelle et amoureuse fantastique, je me suis rendu compte que je ne voulais pas sacrifier ma vie professionnelle pour un garçon blond absolument adorable et horripilant à la fois. 
    Je me suis inscrit dans des agences matrimoniales pour essayer les filles et pour avoir des bases solides pour progresser professionnellement. Un fiasco, bien sûr. Dans les années 90, l’un de mes employeurs, un gay parisien flamboyant me montra le chemin à suivre ! 


    3. Es-tu out ? Auprès de ta famille ? de tes amis ?

    Oui complètement out dans ma famille proche. Le reste de ma famille doit être au courant également mais pas par moi. Faut dire qu’en m’expatriant à Paris, j’ai coupé sans le vouloir forcément, tous les liens avec la famille à l’exclusion de mes parents, ma sœur et mon frère.
    Mes amis sont bien sûrs tous au courant. Après, quand des gens me demandent si je suis gay, je réponds toujours oui que ça plaise ou non.


    4. As-tu grandi dans une famille religieuse ?

    Ma mère orpheline pendant la seconde guerre mondiale a été mise à l’abri chez les bonnes sœurs. Elle nous a raconté bien plus tard qu’elle avait été choquée par l’attitude d’une religieuse qui se la « pétait » ce qui se révélait être en complète contradiction avec la sévérité de l’éducation religieuse dispensée. Elle nous transmettra plus tard une éducation basée sur la politesse et le qu’en-dira-t-on.

    Ma sœur a fait sa première communion mais pas de confirmation, j’ai été baptisé mais pas de communion et mon frère n’a pas du tout été baptisé. C’est suite seulement à des problèmes de logistique que ma mère s’est éloignée progressivement des institutions religieuses. 

    Dans ma famille personne ne va à la messe mais tous se marient à l’église et reçoivent tous une cérémonie religieuse à l’église quand ils sont coincés entre quatre planches d’un cercueil. C’est parce que « c’est comme ça », c’est aussi parce que c’est la meilleure chose à faire ou la moins pire.

    Enfant, je suis allé au patronage avec mon frère. Juste une seule année. Ma mère a profité de cette opportunité pour nous occuper le jeudi après-midi. J’aimais bien les activités manuelles (j’avais fait une maquette de planeur de 1,20 m d’envergure en balsa de toute beauté !). Je me souviens que le couple qui assurait le patronage nous lisait des passages de la bible et qu’ils nous faisaient chanter des chansons gaies et entraînantes (tout autour de Jéricho, tout autour de Jéricho, tout autour de Jéricho l’armée marcha et ce fut sept fois sans arrêt la la la la …*). 

    Un jour, ils nous ont disputé car on leurs avait fait croire qu’un copain ne serait pas là. Mais c’est très mal de mentir. Je me souviens avoir objecté que ce n’était pas grave, que c’était juste pour rire. Et bah non ! C’est mal ! 

    Et puis un autre jour, ils nous ont demandé de prier à voix haute au prétexte que le message passait mieux quand il était exprimé à haute et intelligible voix (même devant tout le monde). Je me souviens m’être creusé la tête et avoir évacué toutes les requêtes d’amour et de paix dans le monde car des prières comme ça il devait s’en faire plein tous les jours. Moi, je pensais qu’il fallait vraiment trouver un truc qui ne fasse l’objet d’aucune prière. Autant être efficace d’un seul coup, surtout que c’était à voix haute ! J’ai prié pour que tous les chiens abandonnés retrouvent un maître. J’étais super fier de moi et puis sur le chemin du retour, un copain chrétien jusqu’au bout des mocassins, m’a engueulé que ça ne se faisait pas de prier pour les chiens !

    On rigole, on rigole mais ce sont des petits détails comme ça qui font que j’ai décroché de cet univers et si l’année d’après ma mère nous a proposé d’y retourner, j’ai décliné poliment l’offre.

    * J’ai appris bien plus tard que ce fût un bien beau massacre la prise de Jéricho (l’amour du prochain toussa …)


    5. Quelle importance revêt la religion dans ta vie actuelle ? 

    J’allais dire « aucune » mais ce serait un mensonge. Elle fait remonter en moi de la colère, de la tristesse, du désappointement, de l’incompréhension et surtout de la fatigue. La religion et ses représentants (la parole du pape n’est à mon avis que de la communication elle ne vaut pas mieux que la parole d’un politicien, ce qu’il est aussi.) ont permis mon apostasie fin 2010. En clair, j’ai renié mon baptême et obligé l’archevêché de Rouen à le stipuler sur le registre des baptêmes. 

    S’il y a une importance à donner à la religion dans ma vie actuelle, c’est qu’à ma mort, elle ne s’appropriera pas ma dépouille. Pensez-y. Ce n’est pas rien … 

    Combien dans le doute, au moment final sur un lit d’hôpital ou dans un lit design s’en remettront in fine à l’Église ? La valeur de la vie ne vaut que dans l’expectative de l’après mort. 


    6. La religion a-t-elle été ou est-elle un frein à ton acceptation ? 

    La religion a bien été un frein à mon acceptation tout comme la société corsetée des années 80. Je dirais ni plus ni moins. À l’âge où je me construisais, la religion n’a pas été un refuge pour moi là où la société dépénalisait seulement l’homosexualité qu’en 1982. 

    L’homosexuel en 1980 était un criminel et un pêcheur ! On pouvait rêver mieux comme « choix » de vie, non ?

    Ensuite la religion chrétienne ne m’a pas emmerdé outre mesure avant qu’elle ne descende dans la rue avec La Manif pour Tous. La religion est respectable lorsqu’elle ne s’autorise pas à s’immiscer dans l’organisation de la vie sociétale et ce d’autant plus dans une République laïque. Et là, petite précision, c’est la République qui assure le droit et la protection de la pratique religieuse, ce n’est pas l’inverse et ce depuis le 9 décembre 1905 (séparation des Églises et de l'État). Ce n’est pas aux religions de s’autoriser à revendiquer leurs us à la République. Jusqu’à preuve du contraire les religions n’ont jamais été les garants d’une vie de paix et d’harmonie entre les peuples. 

    Pour moi, les religions donnent des réponses à des gens qui se posent des questions, qui cherchent des repères, des voies (voix) tout comme moi, j’ai trouvé des réponses en consultant un psy pendant plus d’une décennie. La fédération nationale des thérapeutes de la racine sacrée de l’ortie blanche n’a pas, à ma connaissance, cherché à imposer ses choix de vie à la République française. 

    La religion est respectable lorsqu’elle reste spiritualité mais elle a bien été un frein à mon acceptation.


    7. Comment perçois-tu le discours et le positionnement de l'Eglise, globalement peu favorable aux homosexuels ?

    Voir question 6. 
    Je résume : Qu’elle ferme bien sa gueule sur les sujets de société, merci.


    8. Alors, j'ai tout bien lu, et j'ai une autre question : Quel est l'élément / l'événement qui a déclenché le passage à l'acte de ta demande d'apostasie ? C'est une démarche qui n'est pas commune... 

    J’ai fait ma demande d’apostasie fin 2010.

    Il n’y a pas d’événement fort, déclencheur mais une accumulation d’événements qui ont construit une atmosphère de haine des LGBT en France. J’ai tout de même vérifié dans mes archives l’événement qui aurait pu être la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase.

    Et j’ai trouvé ! J’ai participé à Paris à la manifestation contre l’homophobie du Vatican : Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Vatican, a affirmé le 13 avril 2010 qu’il existait un lien entre homosexualité et pédophilie.

    Mais n’empêche, je reste sur ma première réponse car la question posée est trop orientée, restrictive. Un événement particulier est facilement démontable, justifiable, contestable, critiquable, relativisable. C’est bien une accumulation d’événements qui m’ont incité à prendre cette décision. L’Église ne m’aime pas ! Et bien je la quitte.

    Bien avant, l’abomination de l’homosexualité de Christine Boutin (avril 2014) et des délires de La Manif Pour Tous, je sentais bien que cette Église et ses fascistes prenaient trop de place dans le débat public pour véhiculer des messages de haine en toute impunité.

    Je regrette par ailleurs le peu de mobilisation des gays parisiens pour toutes ces manifs qui défendaient nos droits, notre honneur, la Pride comprise.

    La petite anecdote concernant la manif contre le Vatican homophobe, c’est que nous n’avons pas été autorisés à manifester devant l’ambassade du Vatican mais juste autorisé au Palais de Tokyo. Le groupe de fachos qui est venu nous insulter n’a pas été inquiété par les forces de l’ordre. On a eu des consignes de sécurité en fin de manif nous demandant de ne pas prendre le métro dans les stations voisines et surtout de ne pas y aller seul. Ambiance.

    Palais de Tokyo – 24 avril 2010 – Against Vatican homophobic

    9. Aujourd'hui, as-tu encore une vie spirituelle ? Crois-tu en quelque chose, en une transcendance ? 

    Je n’ai jamais cru en un dieu, une puissance divine bien définie. Très jeune, j’ai pu y penser mais j’avoue que je ne me rappelle pas avoir eu la Foi.

    Est-ce que j’ai une vie spirituelle ? 
    Au lycée, nous avons étudié les Pensées de Blaise Pascal ; « l’infiniment petit, l’infiniment grand ». J’ai trouvé cela limpide, éclairant, évident. Et au lieu de me plonger dans une angoisse incommensurable, ne trouvant pas ma place au milieu de toute cette organisation de l’espace et du temps, je me suis trouvé rassuré. L’ordre des choses répondait à une organisation sans faille, chaque chose à sa place dans sa juste mesure.

    À cela s’ajoute une leçon bien retenue en chimie, à peu près à la même époque ; la maxime de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Pour moi, c’était rassurant, je n’avais plus d’autres questions à poser et je n’avais plus qu’à me préoccuper de mes petits problèmes personnels à savoir est-ce une maladie d’être gay et surtout est-ce que ça se soigne ? Ce questionnement appelant par la suite d’autres questions, je l’ai formulé auprès de divers praticiens des années durant.

    Et ma vie spirituelle à moi se tourne non pas vers une entité suprême, extra-ordinaire mais vers les gens, les humains, l’Homme. Et je trouve que c’est un bon raccourci pour ne pas être obligé de passer par l’interprétation de textes sacrés, de traditions orales, etc.

    Les religions, de mon point de vue, régissent l’organisation de la vie de l’individu en société. Toutes les grandes civilisations ont eu des souverains serviteurs d’une religion. Toutes les sociétés ont eu des intermédiaires certifiés pour poser des questions existentielles à une entité détentrice de la Vérité. Ces intermédiaires ont régné aux côtés des chefs des civilisations durant des siècles et des siècles.

    Car enfin, qu’est ce que j’ai découvert en travaillant auprès de praticiens non certifiés ? Nous souffrons tous d’inhibitions, de peurs, de jeux de rôle, de dénis, de tabous, etc. Et toutes les religions ont proposé des solutions, des réponses et simultanément ont engendré et cultivé ces mêmes peurs. Tout est sous contrôle. Les religions, la pratique d’une vie spirituelle, permettent de se poser des questions existentielles et d’y trouver les « bonnes » réponses. Et c’est un moindre mal que de ne rien proposer comme réponses à une vie spirituelle, à ce questionnement. Cultiver les peurs pour éviter le chaos.

    Je crois en une transcendance, précisément dans le sens qui va au delà de l’entendement, celle qui consiste à écouter l’Humain en le libérant de toutes ses grilles (ornières) de lecture. Je crois en l’Humain. Je crois qu’il est capable de surpasser ce grand questionnement sur la vie, la mort, l’amour en cherchant les réponses en lui et non plus dans les grands livres d’histoire(s) sacrée(s). L’Humain est une extraordinaire machine, immensément riche, nous n’avons pas fini de le découvrir et aucun texte sacré ni tradition orale ne saura le définir complètement.


    10. Malgré ton apostasie que conserves-tu de l'enseignement chrétien que tu as reçu ? Ou au contraire as-tu tout rejeté en bloc ?

    Ha hum. On s’est mal compris. Je n’ai pas reçu d’enseignement chrétien, enfin pas vraiment. Une seule petite année de patronage à mon actif et encore je n’ai pas compris que c’était du patronage non laïque. On me lisait des passages de la Bible mais pour moi ce n’était que de l’Histoire ou de la lecture d’histoires merveilleuses. J’écoutais comme si j’étais à un cours Histoire de France à l’école. J’ai par la suite tenté de lire par moi même la bible reçue au patronage. J'ai essayé de comprendre des trucs mais l’écriture métaphorique m’a rapidement plongé dans un ennui profond.

    Je n’ai donc rien conservé ni rejeté en bloc.

    Par contre, si j’ai rejeté quelque chose, ce n’est pas la conséquence de mon apostasie mais bien la cause. C’est quand je me suis aperçu que rien ne me liait à la religion chrétienne que j’ai trouvé astucieux d’officialiser la chose en revendiquant pour le coup, mon apostasie.

    Tout ceci m’a amené à chercher au plus profond de moi les questionnements sur Dieu, son existence, sa finalité et j’ai cherché où je pouvais bien me mentir à moi même en refusant d’y croire. Au delà du « folklore* » rattaché à la pratique de la chose religieuse (la prière, les lectures, la messe, la confession, les rites de passage, etc.) que je rejette absolument et totalement, je me suis interrogé, j’ai essayé de ressentir vraiment ce qui me touchait quand j’évoquais Dieu, débarrassé de tous ses « accessoires* ».

    * Je suis respectueux, ce n’est pas injurieux, je veux juste qu’on comprenne bien où je situe la place d’un dieu.

    Pour illustrer mon propos, je vais évoquer la mort, la finalité de toutes les religions me semble-t-il. Je peux très bien expliquer sans aucun trémolo dans la voix que je n’ai pas peur d’elle, que je ne veux pas être enterré mais incinéré. Cela ne veut pas dire que j’y suis prêt. Que je souhaite passer dans l’au-delà tout de suite. Non ! Je suis furieusement attaché à cette vie ici-bas même si parfois c’est un peu la merde quand même.

    Alors pour l’existence de Dieu, j’ai voulu sur le même principe exposé ci-dessus (l’acceptation dans l’énoncé vs son rejet / la négation dans l’énoncé vs son acceptation) mon esprit qui se veut cartésien, m’entraîne vers la négation et en regardant ce qui pourrait se cacher derrière, je découvre … Rien ! Mais vraiment rien ! Je ne ressens absolument rien. La non existence d’un dieu ne m’émeut pas, ne me dérange pas, ne m’angoisse pas.
    Ce n’est vraiment pas une figure de style de ma part de ne pas croire, vraiment.

    Sinon et pour conclure, ma citation préférée juste après : « Is there some reason that my coffee isn't here ? Did she die or something ? » est : « On peut aussi bien prier une sardine, ce n'est qu'une question de foi. »

    Merci Henri.

    ***
    Identités singulières : 

    23 octobre 2016

    Petit à petit

    23 commentairess
    Petit à petit je retrouve une silhouette tolérable. Lentement mais sûrement, au gré d'un effort et d'une surveillance constants de ce que je mange. Contrôler les emballages pour traquer les sucres et les graisses inutiles, débusquer les calories superflues cachées là où on ne les attendait pas.

    A l'instar d'autres blogueurs qui suivent le même sentier sinueux, il ne s'agit pas tellement de suivre un régime à la mode mais de faire attention à ses réels besoins énergétiques.

    Manger équilibré, varié, de manière ludique, sans perdre le goût de cuisiner un peu ni, à l'occasion, de me faire plaisir en buvant un peu de vin, quelques un verre d'alcool (comme ce whisky dont parlait naguère le FalconHill) ou m'empiffrer de bouffe sale sans culpabiliser. Car merde quoi... 

    Mon objectif n'a jamais été de perdre dix ou vingt Kilos en quelques semaines mais bien de dégraisser le mammouth progressivement et, surtout, durablement, sans perdre l'énergie dont j'ai besoin pour affronter mes journées. Alors je prends mon temps.  Et je ne me pèse pas tous les jours, ni toutes les semaines. C'est trop désespérant.

    Depuis quelques temps j'essaie d'éradiquer totalement les glucides le soir. Pas simple. Au début mon estomac et mon corps réclamaient. Il a fallu les dompter. Je crois y être parvenu, plus ou moins. 

    Au final, en quelques mois de vigilance, j'ai perdu environ six Kilos, contrebalancés par une petite prise de masse musculaire liée au sport. Non pas que je fasse du sport à outrance en mode gym-queen l'intégrale des albums de Madonna à fond dans les oreilles (j'ai essayé, mon casque ne tient pas... hu hu hu), je n'en ai hélas pas le temps. Mais le peu que je fais, j'y vais en mode gros bourrin, histoire de me cramer complètement, d'en ressortir vidé, les artères chargées d'endorphines. Cela fait du bien. On se sent vivant après un effort intense, chaque fibre musculaire sollicitée s'animant alors d'une énergie nouvelle. Cette sensation est grisante... Ne pas l'éprouver dans la semaine me manque. 

    Les premiers signes tangibles de cette démammouthification ont été les pantalons qui devenaient trop grands et le besoin corrélatif de serrer la ceinture d'un cran supplémentaire. Puis l'autre jour j'ai remis pour la première fois depuis plusieurs années, un jean que je m'étais résolu à ne jamais plus porter et dont la taille pourtant m'avait déjà donné le tournis lorsque je l'avais acheté.
    Et puis ce matin, quinze jours après ma dernière pesée, ma balance affiche deux kilos de moins. Ça m'a fait tellement plaisir de lire que mes efforts étaient bel et bien récompensés. Une petite victoire de plus.

    La guéguerre sera encore longue, mais les premiers résultats sont là !

    19 octobre 2016

    Illégitime

    1 commentaires
    Je croyais que la sensation bizarre de ne pas être à ma place dans mon boulot venait de l'ambiance méphitique du précédent et dont je suis parti après avoir sévèrement pété les plombs. Pourtant, quatre mois après avoir changé, c'est le même constat : je ne me sens pas légitime dans ce que je fais.

    Plus exactement, je ne me reconnais pas dans ce boulot. Ses préoccupations me sont lointaines, l'essentiel m'échappe. Je ne me sens pas en phase. Un peu comme si l'on demandait à un chirurgien orthopédique de veiller à la couleur des draps de la salle de réveil ou de se préoccuper du parfum des produits désinfectants des couloirs du 1er. Lui il s'en carre, et il a raison.

    Moi non, je suis obligé de m'attarder sur ce genre de problématique pour ne traiter que de très loin ce que je croyais - manifestement à tort - être le cœur de métier, ce pour quoi j'ai étudié de longues années et qui me passionne réellement.

    Outre que je me sens un peu infantilisé, à toujours devoir rendre compte, à être régulièrement pris de haut par ma boss qui a pour elle son ancienneté et son expérience, ce dont je suis parfaitement conscient et que j'estime à sa juste et haute valeur, mais à qui la rigueur technique n'est pas la première des qualités... Nous avons deux façons de travailler assez différentes.

    J'ai probablement été mal habitué par le passé, à travailler en délégation totale, surveillé de loin, donnant pleine et entière satisfaction, avec une marge de manœuvre immense et une juste considération pour mon travail.

    C'est une sensation bizarre que de ne pas se sentir à sa place. De faire un boulot pourtant socialement valorisant mais qui ne procure que peu de satisfactions personnelles. C'en est parfois même décourageant. 

    En Février dernier j'avais amorcé un processus qui devrait me conduire à un ajustement de carrière dont je sais qu'il me sera salutaire. Dans quelques semaines les dés en seront jetés. Ce sera pile ou face, même si j'ai de bons espoirs que le résultat me soit favorable.

    Il faut que ça change.
    Croisez les doigts pour moi - et faites des nœuds avec le reste ! 

    15 octobre 2016

    La photo du mois : Le Silence

    15 commentairess
    Bonjour à tous, nous sommes le 15 octobre et c'est l'heure de notre rendez-vous mensuel avec la photo du mois.

    Je vous rappelle tout d'abord le principe du jeu : chaque mois les blogueurs participants publient une photo en fonction d'un thème donné à l'avance. Toutes les photos sont publiées sur les blogs respectifs des participants, le 15 de chaque mois, à midi, heure de Paris.

    Le thème de ce moi d'octobre a été choisi par Sinuaisons qui nous propose : Le Silence.
    "Espaces vides, instruments de musique au repos, bébés endormis, langage des signes, panneaux d'interdiction, tout est bon pour parler du silence en images :-)"
    Il est bien périlleux de parler du silence avec une simple photo qui, en elle-même, est bien silencieuse.

    Voici donc ma photo, prise à l'opéra de Toulouse la semaine dernière, au moment où la lumière décline, juste avant que la salle ne soit plongée dans le noir et que, pendant ce temps, simultanément, le silence se fait, entre toussotements gras, narines qui jouent une dernière fois de la trompette et stridulations grinçantes des cordes qui finissent de s'accorder au milieu d'une joyeuse cacophonie.

    Le silence ne dure jamais bien longtemps dans une salle d'opéra car, aussitôt la salle muette, voici que le chef entre dans la fosse, accueilli par une brève salve d'applaudissements. Deux inspirations profondes, les bras s'élèvent en direction de l'orchestre, et les premiers accords de l'ouverture assaillissent les oreilles des spectateurs. 

    Comble de l'ironie, on jouait ce jour-là  "Béatrice et Bénédict" de Berlioz, adaptation de "Beaucoup de bruit pour rien" de W. Shakespeare...

    Allez donc, sur la pointe des pieds, voir les photos des autres participants à La photo du mois :
    Akaieric, Alban, Alexinparis, Alice Wonderland, Angélique, Aude, Autour de Cia, BiGBuGS, Blogoth67, Brindille, Calamonique, Champagne, Chat bleu, Chiffons and Co, Christophe, Cricriyom from Paris, Cécile, CécileP, Céline in Paris, Danièle.B, DelphineF, Dr. CaSo, E, El Padawan, Escribouillages, Estelle, Eurydice, Evasion Conseil, François le Niçois, Frédéric, Gilsoub, Gine, Giselle 43, J'habite à Waterford, Je suis partie voyager, Josette, Josiane, Kenza, KK-huète En Bretannie, Koalisa, Krn, La Fille de l'Air, La Tribu de Chacha, Lair_co, Lau* des montagnes, Laurent Nicolas, Lavandine, Lavandine83, Lilou Soleillant, Luckasetmoi, Lyonelk, magda627, Mamysoren, Mirovinben, Mon Album Photo, Morgane Byloos Photography, Nanouk, Nicky, Noz & 'Lo, Philae, Philisine Cave, Pilisi, Renepaulhenry, Sense Away, Sinuaisons, Sous mon arbre, Testinaute, The Beauty is in the Walking, Tuxana, Who cares?, Wolverine, Xoliv\', écri'turbulente.

    13 octobre 2016

    Beauté gratuite

    0 commentaires
    Petit sourire du matin tout à l'heure en écoutant Julien Doré sur France Inter se faire l'écho de Pierre Rabhi. 

    Il y était question de reprendre racines et de la beauté gratuite de la nature, de cette proximité perdue et la croyance erronée que le beau est forcément payant et donc difficilement accessible. 

    Alors qu'il suffit d'ouvrir les yeux.

    Cela fait du bien d'entendre une invitation au retour vers une certaine forme de simplicité et à regarder le monde qui nous entour avec des yeux d'enfants. 

    Réapprendre à s'émerveiller de tous ces petits rien qui sont autant de petits bonheurs.

    10 octobre 2016

    Identités singulières : Être gay et croyant - 3ème partie

    6 commentairess
    Est-il possible d'être gay et croyant en 2016 ? 

    Au rythme de un par quinzaine, vous seront présentés plusieurs témoignages guidés par un questionnaire en neuf points laissant toutefois la possibilité d'aménager les réponses librement. Autant de parcours de vie, tous différents - voire totalement contradictoires - de personnes venues d'horizons assez variés et croyantes à divers degrés. Des identités singulières.

    L'objet de cette série de billets n'est certainement pas de faire un quelconque prosélytisme - il suffira de lire pour s'en rendre compte - ni de clore un débat bien trop vaste. 

    Seulement d'essayer d'apporter des éléments de réponse à une question complexe et que je trouve passionnante.

    Et s'il s'en trouve parmi les lecteurs qui seraient intéressés pour laisser à leur tour leur témoignage, n'hésitez par à me contacter par courriel : tambour.major@yahoo.fr

    * * *


    Luc


    1. Peux-tu te présenter ? Âge, profession (quelques mots pour décrire ce que tu fais), où tu habites, où tu as grandi.

    J'ai 35 ans, je travaille pour EDF dans la production d'électricité. Je vis dans le Tarn et Garonne. 


    2. A quels moments de ta vie as-tu compris puis accepté ton homosexualité ? Quel a été ou quel est ton cheminement ?

    Je me suis découvert gay à l'âge de 24 ans, je chemine toujours dans l'acceptation.

    As-tu souffert d'homophobie ? 

    Non du tout. Par ce que je n'en parlais pas autour de moi. Mes camarades n'étaient pas au courant, d'autant que je me suis découvert tard par rapport à d'autres.

    Qu'est ce qui te bloque ? Quels sont les obstacles qui pour le moment sont insurmontables ? 

    Pas grand chose me bloque à vrai dire. 

    Je ne sais pas comment expliquer. J'ai besoin de pouvoir l'assumer un peu plus et de prendre sur moi.

    Les réseaux sociaux m'y aident un peu mais ça ne fait pas tout. Je prends ça surtout au second degré : certains sont là juste pour leur ego, d'autres sont trop au premier degré, il y a un peu de tout.


    3. Es-tu out ? Auprès de ta famille ? de tes amis ?

    Je suis out auprès de quelques amis seulement. Excepté un cousin et sa femme, personne dans la famille sait que je suis gay.

    Mon orientation sexuelle ne regarde que moi. On n'en parle jamais, jamais, par pudeur. On ne parle pas de tout ce qui est de l'ordre de l'intime dans la famille.

    Que crains tu ? Le rejet, l'incompréhension ?

    Je ne crains rien du tout mais j''estime qu'ils n'ont à connaître ma sexualité 


    4. As-tu grandi dans une famille religieuse ?

    Ma famille est catholique non pratiquante.

    Mon baptême et mes communions, je les ai faits pas tradition familiale simplement et pour faire plaisir à ma grand-mère maternelle (un pilier de ma vie).

    Par contre la confirmation c'est moi qui ai demandé à la faire. parce que entre temps j'ai découvert par hasard la vie monastique qui m'a tout de suite interpellé au plus profond de moi.

    Qu'est-ce qui t'a interpellé dans la vie monastique ? C'était quand ? 

    Ce qui m'a interpellé de prime abord c'est de voir des hommes tous habillés pareils d'un vêtement ample. Il ne fallait pas me demander à l'époque si c'était des dominicains ou des cisterciens, j'était jeune. J'avais 12 ans, c'était en 1993. La simplicité qui se dégageait d'eux, leurs visages exprimaient une image de bien être. Ils rayonnaient. C'est là où j'ai pris conscience que si des hommes sont capables de consacrer leur vie à l'écart du monde à la recherche de Dieu, il y a quelque chose car ces gens là, avant de rentrer au monastère, il ont fait des études et avaient une vie.


    5. Quelle importance revêt la religion dans ta vie actuelle ? 

    La religion fait partie intégrante de ma vie c'est comme les avirons sur  un bateau, sans elle je ne peux pas faire grand chose.

    Je vais à la messe environ 3 où 4 fois par semaine, je ne fais partie d'aucun groupe de prière.

    Aller à la messe 3 ou 4 fois par semaine c'est beaucoup. Qu'est-ce que tu y cherches ? Qu'y trouves-tu ?

    La messe, c'est un moment de ressourcement pour moi. Pour donner une image : je vais m'abreuver à l'eau de la source vive.

    Et puis ce que j'aime c'est que dans ce monde qui va dans tous les sens qui ne sait pas où il va, la messe est un pilier, elle est là, elle ne bouge pas.

    Cela rejoint mon désir de vie monastique. Le temps passe, le monde ne sait pas où il va, on le voit dans les actualités, mais pour moi la messe c'est un repère, c'est fixé. Et quand je parle des avirons, des rames de bateau, c'est grâce à elle que tu tiens l'équilibre : le travail et la prière. Prier sans cesse c'est impossible, et travailler sans cesse est également impossible. "Ora et labora", la devise des moines, c'est St Benoît qui dit ça.

    Accessoirement cela me fait travailler mon latin, par la curiosité. En France il y a une grosse inculture religieuse au nom de la laïcité. Beaucoup d'expressions viennent du latin. Au quotidien, les gens ne savent pas d'où viennent les mots qu'ils emploient.  


    6. La religion a-t-elle été ou est-elle un frein à ton acceptation ? 

    Je n'ai pas de réponse à cela. Elle n'a jamais été un frein. Le frein est plus d'ordre social que religieux. 


    7. Gay et croyant, comment concilies-tu cette contradiction apparente ? Y parviens-tu ? Quel a été ton cheminement ?

    Pour ma part tout se passe bien, je prend énormément de recul.

    Dans la vie je prend les choses avec recul et discernement généralement. Je prends beaucoup de recul sur les choses, parfois un peu trop. C'est dans mon caractère.

    Je sais que tu te rends régulièrement dans une communauté monastique. Tu peux nous en parler ? 

    Là où je me rend régulièrement c'est une communauté monastique ouverte d'esprit ou ils ne rejettent pas les gays car certains des frères le sont.

    Ça s'est fait grâce à un prêtre accompagnateur spirituel que j'avais rencontré via le site du diocèse de Montauban. J'avais besoin de quelqu'un pour m'accompagner, afin de m'aider à discerner sur la vie monastique. J'avais 31 ou 32 ans, j'en ai 35. Il m'a recommandé les Fraternités Monastiques de Jérusalem. J'y suis allé 2 fois, ils sont à Paris. Le problème c'est que si la liturgie des Fraternités Monastiques de Jérusalem me plait, ce qui me dérange en revanche c'est la ville, le bruit permanent de la ville.

    Je connaissais les Cisterciens et on m'a proposé d'aller voir une communauté Bénédictine.

    J'ai eu quelques périodes de doutes mais ça me revient toujours dessus. Tu fais tout pour ne pas y penser et poum ! ça te revient en plein milieu de la figure.

    La première fois, j'y suis allé à reculons. J'ai fait confiance à mon accompagnateur qui m'avait conseillé d'y passer 3 jours seulement, pour commencer. J'y suis arrivé - c'est tout un truc, ça m'a tellement marqué ! - j'y suis arrivé un après-midi, la veille des Cendres, le jour de la Chandeleur, un mardi donc.

    Déjà, avant d'arriver, je trouvais le paysage joli car on ne voit pas l'abbaye depuis la route. Et là, en m'approchant, j'ai vu cette abbaye cachée dans la végétation. J'ai trouvé ça beau. J'ai posé mes affaires à l'hôtellerie puis je suis allé à l'église. Cette église, quand j'y suis entré, ça m'a frappé : la beauté et la simplicité. Quelque chose m'interpellait. Je me suis assis et j'y suis resté un long moment, à la regarder.

    Puis vint l'office des Vêpres. Le fait de voir ces moines tout en noir avec ces visages qui rayonnaient, ça m'a frappé. J'ai trouvé ça joli. Ils rayonnent ces gens-là. Ils sont arrivés deux par deux. Ça n'en finissait pas d'arriver. Je me suis dit "Mais ils sont combien ces gens là ?". C'était un truc de fou. T'en voyais jamais la fin. Ça ne s'arrêtait jamais !

    Et là, dès les premières notes de l'orgue pour le psaume, ça ma pris aux tripes, dès le 1er hymne. J'en avais les larmes aux yeux, des frissons partout. Je pleurais littéralement de joie. Je ne pouvais pas m'arrêter. Ce n'était pas de la tristesse mais de la joie. J'avais ressenti que la vie monastique m'attirait. J'avais ressenti un appel sans réussir à mettre de mot dessus. Mais là ça m'a interpellé... J'essayais de trouver une excuse : l'orgue, la qualité du chant, les voix...? C'est la 1ère fois de ma vie que j'ai ressenti ce que c'était une joie profonde. Je me suis dit "T'es là, t'es chez toi".

    Les jours suivants j'étais bien, même le jour des Cendres qui est plutôt aride. Même l'office de nuit...

    Je suis reparti le surlendemain, il fallait faire ma vie, mais j'étais déchiré de partir. Non pas déchiré de tristesse car je savais que j'allais revenir.

    Ce jour-là, le jour de la Chandeleur, avec les lumières, c'était aussi la Chandeleur dans mon cœur. C'est le Christ qui me parlait. Ces gens là, cet endroit-là... C'est vraiment un endroit fort fort fort. Ça ma procuré une joie "monastique". Une joie intérieure. T'es pas là à sauter partout. C'est intérieur.

    Je n'ai jamais été vraiment amoureux de quelqu'un, mais quelqu'un qui trouve sa moitié trouve à l'intérieur de lui une joie qu'il ne peut pas décrire. C'est ce que j'ai ressenti ce jour-là.

    Je suis reparti, j'en parle avec du recul maintenant, mais j'étais sous le coup de l'émotion.

    J'y suis revenu trois mois et demi plus tard, au mois de mai. Et dès que j'y suis revenu, j'ai ressenti exactement la même joie.

    Depuis, il ne se passe pas 4 ou 5 fois par jour sans que je ne pense à cette communauté, et chaque fois que j'y pense, je suis bien.


    8. Comment perçois-tu le discours et le positionnement des autorités religieuses, globalement peu favorable aux homosexuels ?

    Je laisse dire, ça me passe à 10 000  au dessus.

    La Manif pour Tous, tu as vécu ça comment ? 

    La Manif pour Tous, j'ai une copine qui l'a fait. J'ai pas compris. C'est des gens bien, qui ont accueilli des gens, qui aident des réfugiés, qui aident des gens dans la merde quoi, et qui détestent Le Pen. Et pourtant qui ont fait la Manif pour Tous... C'est pas des tradis. J'ai pas compris. C'est les premiers à faire la fête. Ils m'ont encore invité pour Pentecôte. D'une gentillesse et d'une bonté...! Ils sont serviables. Ils aiment déconner. Combien de fois ils ont aidé des sans-papier...? Mais bon, j'ai pas trop compris.

    Après, j'ai respecté leur opinion mais point-barre. Je n'ai pas discuté avec eux pour ne peux pas me prendre la tête. Ce sont des gens que je n'ai pas envie de quitter. Des gens humbles et serviables. Ça m'a fait chier un peu. Mais après je suis passé au-dessus. Je ne voulais pas gâcher tant d'années d'amitié pour ça.


    9. Être croyant, c'est pour toi un avantage ou un inconvénient ? En somme, que t'apporte ta religion ?

    Je ne sais pas dire. Par contre être croyant c'est dans mon ADN, même si j'ai eu des périodes de désert ça revient à toi. J'ai décidé de consacrer ma vie à la recherche de Dieu que je ne croiserai jamais.

    Je recule l'entrée en vie monastique peut-être par lâcheté de me retrouver dans un monde aride ou je sais que la source vive est présente et inépuisable.

    Le désert, qu'est-ce que c'est pour toi ? 

    Le désert, ce sont les moments de doute, et après le doute se dissipe. Pour moi je reviens toujours à la vie monastique. Pour moi Dieu c'est le visage de la communauté monastique.

    Une communauté monastique c'est plus qu'une famille mais quelque part on ne s'est pas choisis. Je prends un exemple tout bête: c'est comme dans la vie au travail. On choisit l'entreprise, pas le personnel qu'il y a dedans. La communauté, c'est un compagnonnage. Tu es avec des gens avec qui tu ne t'entendrais pas dans la vie quotidienne. On ne choisit pas ses frères. C'est une ascèse...

    Et oui, pour moi la religion me procure de la joie, une joie simple.
    Une joie monastique, simplement ;)


    Merci Luc.

    ***
    Identités singulières : 

    1 octobre 2016

    Caillou blanc

    6 commentairess
    Juste quelques lignes, quelques mots, un tout petit billet comme une pierre sur le bord du chemin.

    Pour qu'en le relisant dans quelques mois, je me souvienne de ce bonheur cotonneux dans lequel je baigne depuis ce matin, de la douceur de cette nuit passée avec ce charmant garçon qui habite à quelques rues seulement de chez moi...

    Parce que ces instants sont rares et précieux.

    Parce que cette courte nuit, quand bien même serait-elle unique, fera partie de mes très jolis souvenirs.

    Parce que je crois que nous nous sommes mutuellement plu.

    Parce que j'espère le revoir.