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  • 28 décembre 2012

    Chili con car(né)

    5 commentairess
    Aller au Chili, je m'étais promis de le faire dès avant mon départ pour l'Argentine. Quitte à être en Amérique du Sud, autant en profiter !

    Alors, pour passer les fêtes de fin d'année je me suis octroyé un petit voyage. Ho, trois fois rien : 48 heures de bus, plus de 3000 kilomètres à parcourir au total, dénivelé cumulé d'environ 6000 mètres, température ambiante d'environ 30°C...

    Voilà mon programme pour les prochains jours. J'embarque en effet ce soir pour Mendoza, au pied de l'Aconcagua, première étape d'un long périple qui me conduira ensuite au coeur des Andes afin de rejoindre Santiago du Chili, puis Valparaiso où je passerai la soirée de nouvel an.



    Plutôt que l'avion, j'ai opté pour le bus, un moyen transport certes beaucoup plus lent mais aussi beaucoup moins cher et qui, surtout, offre l'avantage non-négligeable de profiter du paysage. Et du paysage, je vais en voir ! Un programme un peu fou mais la folie des grands espaces pousse à la démesure. Voyager en bus en Argentine - et un peu partout en Amérique Latine - est chose commune, d'autant que le niveau de confort des longs courriers est sans équivalent en Europe.

    Surtout, le clou du spectacle de cette expédition sera la traversée des Andes avec un passage de frontière à plus de 3000 mètres d'altitude, au pied d'un des plus hauts sommets du monde. Sept heures de trajet au coeur de la mythique chaîne de montagnes dans laquelle se sont illustrés - précisément en avion - un Mermoz ou un de Saint-Exupéry...

    « ...
    Le 9 mars 1929, à 10 heures du matin, Mermoz ayant Collenot derrière lui (son mécanicien attitré) quitta le terrain de Copiapo. Il monta par lente spirales à l’altitude limite que lui permettait son appareil : 4200 m. Devant lui, la paroi cyclopéenne de la Cordillère des Andes. Rien ne peut donner une image valable de cet océan vertical pétrifié. 
    Cette barrière, Mermoz voulu la prendre en défaut. Longtemps, très longtemps, il croisa, il roda devant elle. Il ne trouva pas, du moins à l’altitude que son appareil ne pouvait dépasser. Jusqu’à 4500 m, la montagne lisse, d’un joint, d’un bloc, était inattaquable. A 4500 m, entre les pics neigeux régulièrement plantés, des jours s’ouvraient. « On peut passer les Andes utilement pour la ligne à 4500 m. » se dit Mermoz excédé par sa croisière inutile. « En dessous, rien à faire. » 
    Tout autre que Mermoz fut revenu à Copiapo, eut contourné l’obstacle infranchissable par le Nord ou par le Sud et attendu, pour recommencer d’avoir un appareil capable de se mesurer avec quelques chances d’égalité à la montagne impitoyable. Mais Mermoz était Mermoz. Il ne croyait pas à l’impossible, ou plutôt avant de l’admettre, il épuisait tous les risques et allait jusqu’à une zone où personne que lui ne se fut aventuré. Il avait toujours la perception intuitive de la marge suprême. Ce qu’on a appelé son génie. 
    Contemplant le front dentelé de la Cordillère des Andes, Mermoz se dit encore : » pour passer, il manque à mon appareil 300 m d’altitude. Mais il y a les courants ascendants. » 
    Mermoz se remis à croiser devant la paroi gigantesque en guettant les mouvement de l’air. La première ondulation qu’il sentit sous ses ailes fut insuffisante et il évita de justesse, par un renversement, le choc mortel contre le roc, mais il était presque arrivé à la hauteur d’une faille. Il manqua une seconde vague, une troisième. A la quatrième, plus puissante, il se sentit comme appuyé, comme vissé à une colonne qui s’élevait. Il arriva à la ligne jusque là interdite. Un corridor s’ouvrit devant lui entre deux murs de neige. La barrière était vaincue. Il sautait par dessus elle. Il était passé. 
    La joie d’avoir forcé la nature illumina Mermoz en cet instant où il se trouva de l’autre côté de la muraille des Andes, et où, vers l’est, des crêtes n’arrêtaient plus son regard. Il allait les survoler, il allait…. Mais quelle était cette chute brutale de l’appareil, contre quoi, tous muscles raidis, moteur lancé à plein régime, il ne pouvait rien ? Quel était ce vide qui l’aspirait ? 
    (...)
    Il bondit, retomba, bondit de nouveau, roula en cahotant et s’affaissa. 
    Mermoz et Collenot se regardèrent avec un profond soupir. Dans cette première minute, la joie et la stupeur de vivre encore, de vivre tout de même, les emplit entièrement. Elle fut fugitive, Mermoz n’avait-il pas simplement reculé leur mort de quelques heures, et quelles heures ! Ils étaient sur un plateau en pente douce cerné par des ravins profonds. Tout autour, dans un désordre fantastique et grandiose, scintillait les croupes, les cimes, les arêtes et les pics. Un désert de pierres et de neige s’étendait à perte de vue. Et un silence, un silence sans nom. (...)
    « On y arrivera se répétait Mermoz, tout en sachant que la Cordillère n’avait jamais rendu encore les pilotes qui s’étaient égarés dans ses plis. Mermoz et Collenot descendirent, gravirent des pentes, trébuchant dans des pièges invisibles, glissant sur la glace, tombant dans la neige. Trois condors les suivaient d’un vol concentrique. (...)
    Ils se mirent au travail. Collenot dirigeait Mermoz. Il faudrait avoir l’expérience et le don d’un mécanicien génial, pour dénombrer et comprendre les gestes que fit Collenot, ses trouvailles, ses inspirations, et comment il arriva à redresser le train d’atterrissage, remplacer la béquille, assurer la solidité du fuselage, rendre inoffensives les avaries du moteur. Il tordait le fil de fer, triturait la tôle, enlevait à l’avion des pièces secondaires pour en faire des pièces essentielles, transformait le métal, lui donnait une vie nouvelle. La ficelle lui servit aussi, et les bouts d’étoffe et de cuir. Etrange atelier en plein vent, en pleine neige, à 4000 m de haut, avec trois condors fichés sur les pics voisins comme de lugubres sentinelles. 
    La nuit n’arrêta pas ce labeur. Le froid engourdissait leurs mains et brûlait leur corps, la faim les affaiblissait. Pour apaiser leur soif, ils mangeaient de la neige. Parfois, ils se serraient l’un contre l’autre dans la cabine de l’avion pour se réchauffer. 
    A l’aube, Collenot moins résistant que Mermoz commença à subir les effets du mal de montagne. Il saigna du nez et des oreilles. Des étourdissements le firent vaciller, pourtant il n’arrêta pas son labeur durant toute la journée qui suivi. Le soir, il n’avait pas terminé. Le froid cette nuit là fut plus vif encore. A demi gelés, exténués de faim, la tête bourdonnante, Mermoz et Collenot se couchèrent dans la cabine des passagers. Ils mêlèrent leur chaleur, leur respiration. 
    Avec le soleil, Collenot se remit à l’ouvrage. Mermoz, évitant de regarder les condors, se promena longuement le long du plateau, examina le terrain pied par pied. 
    La matinée était à peine commencée lorsque Collenot dit : « Monsieur Mermoz, je crois qu’on peut essayer le moteur ». Quel chant d’orgue dans la Cordillère ! Les deux amis l’écoutèrent religieusement. Pas une défaillance, pas une fausse note. (...)
    Durant l’exploration minutieuse qu’il avait faite des environs, Mermoz avait conçu , pour le décollage, un plan d’une hardiesse insensée, mais qui lui apparut comme le seul moyen possible de salut. (...)
    Il fallait sauter, il sauterait. Mais pour que ce projet, qui comportait une chance sur mille de réussite, reçut un commencement d’exécution, il devait donner à la course initiale de l’avion le plus de champ possible, c’est à dire le pousser jusqu’au sommet du plateau. Mermoz et Collenot délestèrent le Laté 25 de tout ce qui n’était pas strictement indispensable ; ils abandonnèrent sur la neige un réservoir d’essence de 480 litres avec ses ferrures, les tire-bouchons d’amarrage, l’outillage de l’avion, le cric, des bidons d’huile. Ils arrachèrent les banquettes de la cabine des passagers. Le Laté 25 semblait sortir d’un pillage. Malgré cela, il pesait encore plus de 2000 kilos. Et deux hommes, qui depuis cinquante heures n’avaient rien mangé, presque pas dormi, que le gel avait torturés, devaient le faire rouler, en remontant la pente, sur une piste rocheuse pendant un demi kilomètre. Et Collenot tenait à peine sur ses jambes. Mermoz mit huit heures à parachever cet exploit. 
    Puis ils tournèrent l’avion le nez vers l’abîme. (...)
    Collenot écarta les grosses pierres posées sous les roues, sauta dans la cabine. L’avion roulait. Avec ce qui restait de sa veste, Collenot se couvrit la tête. Il ne voulait pas voir. 
    Mermoz, le visage pareil à un masque, sentait chaque tressaillement de l’appareil dans sa chair. Plein moteur… Le bord de la pente, la chute, le premier tremplin. Le train d’atterrissage a tenu… Le second obstacle… Un mètre d’erreur et c’est la fin. La roue du gouvernail lui entrait dans les paumes... L’endroit juste ou il faut toucher…. Le Laté rebondit… Le train a tenu… Attention… Le troisième ravin…. Ne pas se tromper d’un mètre… Je touche… Je saute. Oui… Le train a tenu. 
    A deux mains, Mermoz appuya sur le levier de profondeur, tomba dans la vallée, sentit s’éveiller à la vie les molécules de l’appareil, vira sur l’aile pour éviter le flanc de la montagne qui venait à lui avec une vitesse incroyable, redressa, remonta. Il était maître de l’avion, du ciel, du monde. 
    Par le couloir qu’il avait emprunté pour venir, et s’appuyant de nouveau sur un courant ascendant, il déboucha de la muraille tragique. La plaine frémissante d’arbres en fleurs reposait sous le soleil à son zénith. 
    A midi, Mermoz était à Copiapo. 
    Ceux qui l’ont vu atterrir, m’ont dit que son visage et celui de Collenot étaient méconnaissables. Sous la barbe qui les rongeait, le froid n’en avait fait qu’une plaie. 
    Des deux côté de la Cordillère, en Argentine comme au Chili, dès qu’on l’avait su perdu dans la montagne barbare, on avait renoncé à l’espérance de le revoir. Seuls ses amis refusaient d’accepter qu’il fût mort. Leurs occupations ordinaires, ils n’y pouvaient songer. Ils ne pouvaient que parler de Jean, calculer ses chances. 
    Le téléphone leur apporta à Buenos-Aires la nouvelle que Mermoz était à Copiapo. C’était à ce point un miracle que lorsqu’il raconta son aventure, les chiliens ne crurent pas Mermoz. Pourtant ils comptaient parmi leurs pilotes, et plus que tout autre peuple peut-être, des gens d’une bravoure démente et prêts à tous les risques. Mais ils savaient que la Cordillère ne rendait jamais ceux qu’elle avait pris. Ils envoyèrent une caravane à dos de mulet, à l’endroit qu’indiqua Mermoz comme ayant été celui de son décollage. Elle revint avec le réservoir d’essence, le cric, les banquettes arrachées. Alors seulement le prodige fut accepté pour vrai. Et la renommé de Mermoz, comme d’un être surnaturel, courut d’un bord à l’autre de l’Amérique du sud. Et comme sa stature et son visage se prêtaient à la légende, les Indiens des Andes et les gauchos des pampas et les péones du Paraguay, et les pécheurs du Brésil parlèrent d’un demi-dieu venu de France, qui volait comme un oiseau, et qui avait la force des montagnes. 
    Dans les mois d’avril et de mai, Mermoz maîtrisa la Cordillère. Il avait enfin reçu de France un appareil qui pouvait s'élever jusqu’à 6000 m : le Potez 25. Il ne s’agissait plus de louvoyer, de ruser avec la montagne. Il pouvait l'attaquer de front, aller droit, aller vite. 
     ... »
    Extraits de « Mermoz » de Joseph Kessel – Éditions Folio.


    Bon, c'est pas tout mais j'ai une valise à préparer.
    Mais où ai-je donc mis ma crème solaire...?
    smileys Drapeaux

    26 décembre 2012

    D'Est en Ouest

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    (Suite de mon récit patagone)

    Après avoir fait le tour de la magnifique péninsule Valdés, nous prenons la route vers l'Ouest pour un nouveau périple en direction de Esquel, aux pieds de la cordillère des Andes.

    Plutôt que de prendre la route classique qui longe le fleuve Chubut qui donne son nom à la province où nous nous trouvons, nous emprunterons une piste située quelques kilomètres plus au Sud. Lorsque je parle de piste, je veux dire une véritable piste façon Paris Dakkar, sans goudron, ni signalisation (relisez l'article 2 du Code Abrégé de la Route), seulement de la terre battue, des pierres et beaucoup de poussière, au milieu de nulle part.

    Rapidement nous abandonnons la civilisation et pénétrons dans les terres arrides. A chaque kilomètre, le désert se fait plus présent. Et quand je dis qu'il n'y a rien, c'est vraiment parce qu'il n'y a rien, pendant des centaines de kilomètres.


    En fait, il n'y a presque rien... Car au beau milieu de ce nulle-part surchauffé par le soleil, nous avons fait une jolie rencontre : un tatou, qui nous a traversé presque sous le nez. Hop ni une ni deux on s'arrête pour aller faire coucou à la drôle de bête.

    Je crois qu'aucun d'entre nous n'en avait jamais vu. Il a fallu faire assez vite pour le photographier car, sachez-le, le tatou est assez peu coopératif photographiquement parlant !

    En fin d'après-midi, après 8 heures de route, nous approchons de la pré-cordillère. Le paysage change, laissant apparaître un peu plus de relief, et (à peine) un peu plus de végétation, ou du moins une végétation qui semble plus haute.

    Certains passages sont véritablement extraordinaires, notamment lorsque l'on longe ce genre d'affleurement. Vous remarquerez toujours la piste, qui a empoussiéré le 4x4 et ses passagers tout le long du chemin. Je crois que, de toute la journée, nous avons dû croiser 5 ou 6 véhicules... (sans compter le tatou et quelques vigognes guanacos).

    Et puis soudain de dresse devant nous une chose incroyable, mi-cathédrale, mi-temple hindou, sculptée par la main invisible du temps.

    On s'arrête, fascinés par ce que nous voyons, par ce qui semble être ici d'immenses piliers parfaitement alignés soutenant un vaste édifice dont l'entrée reste secrètement gardée, prouesse de la Nature oscillant entre brutalité minérale et extraordinaire foisonnement de détails.

    Je repense au Palais Idéal du facteur Cheval dans la Drôme que j'avais visité il y a quelques temps. Oui, je crois que Cheval aurait beaucoup aimé cette cathédrale spontanée.


    Peu à peu la pré-cordillère s'installe et rythme l'horizon. Ça grimpe, on prend de la hauteur, les cours d'eau font leur apparition et les vastes étendues de terre reverdissent progressivement. Mais toujours aucune trace de civilisation.



    Nous arriverons à Esquel vers 10 heures du soir, dans la nuit noire, crevés par un voyage lent et mouvementé, secoués que nous sommes par les remous de la piste. Mais auparavant, clou du spectacle avant la tombée de rideau au terme de cette longue journée : admirer, par dessus les montagnes, une éclipse partielle de soleil, visible seulement de cette partie-ci du monde.


    Fabuleux !

    17 décembre 2012

    Prendre le bus à Buenos Aires

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    Pour se déplacer dans et hors de la ville de Buenos Aires lorsque l'on n'a pas de véhicule à soi, il existe une méthode très - très - bon marché : le bus. En effet, il faut savoir que toutes les lignes de bus sont privées. Toutes. Seul le prix est - fortement - subventionné par l'État National, ce qui explique qu'un trajet coûte à peine plus de 1 pesos argentin (environ 16 centimes d'Euro). Une paille !

    Même s'il est possible de s'acquitter du prix du billet au coup par coup en étant bien certain d'avoir l'appoint, sous peine de se faire onctueusement rabrouer par le chauffeur, prendre le bus de façon confortable à Buenos Aires vous demandera de franchir une première étape : celle de l'acquisition de la carte SUBE. La SUBE est une sorte de porte monnaie électronique dédié à tous les transports en commun. Simple, commode et efficace, on peut l'acheter dans (presque) n'importe quelle agence postale et la recharger très facilement à peu près n'importe où en ville.

    Une fois le sésame en main, le véritable parcours du combattant commence. Et il commence par une étape fondamentale : trouver, parmi les quelques 180 lignes existantes, celle qui vous emmènera à bon port, dans des conditions plus ou moins rock'n roll.

    J'en entends dire au premier rang : "Oué, fastoche, on regarde sur le plan !".
    Oui oui oui... Mais QUEL plan ? Ici, aux arrêts de bus, il n'y a pas de plan... Parfois il n'y a pas d'abribus du tout, sinon un arbre ou un vague poteau. Alors ? Ben on se démerde ! On regarde comment font les autres et on cherche toutes les infos utiles sur les sites internet. Surtout évitez les sites des compagnies elles-mêmes qui sont à hurler. Personnellement j'utilise celui ci, qui est plutôt bien foutu et simple d'utilisation.
    Pour les adeptes des vieilles techniques de trappeur nettement plus "roots", sachez qu'il existe aussi des guides papier, aisément consultables avec une astrolabe et un BTS de géomètre (le recours à un exorciste est toutefois vivement conseillé).

    Une fois l'arrêt (ici on parle de parada) "théoriquement" identifié et localisé dans l'espace, reste à le trouver pour de bon, in situ. C'est très important car les chauffeurs bus sont particulièrement têtus : ils s'arrêtent uniquement devant la parada attribuée, ni 10 mètres avant, ni 10 mètre après. Et ils seront encore moins enclins à s'arrêter si vous les hélez d'un geste de la main au beau milieu de la rue. Vous risquez même d'y perdre un bras. Mieux vaut donc se tenir au bon endroit et au bon moment, carte SUBE à la main ou avec l'appoint de petite monnaie.

    Bien. Reste un point important : savoir reconnaître une parada. Normalement, une parada, cela ressemble devrait toujours peut ressembler à ceci :

    Figure 1 : une parada idéale.

    S'il en était toujours ainsi, prendre le bus serait une joie quotidienne, un véritable enchantement, une source intarissable de volupté collective. Sauf que en pratique, cela ne se passe pas systématiquement de cette façon.
    Ainsi, il est très fréquent, parmi la multitude de réverbères, piliers et poteaux de toutes sortes qui jalonnent massivement le trottoir de la moindre ruelle, de devoir chercher ceci :

    Figure 2 : la réalité pratique.

    Ou comment pourrir la vie des usagers en rendant les arrêts indétectables à moins de 5 mètres....
    A cette parada s'arrêtent les bus des lignes 108 et 10, mais aussi de la ligne 124, rajoutée manuellement sur la tôle peinte en rouge. Quand on a à chercher ce genre de totem là, je dois dire que tout va bien, c'est facile, il n'y a aucune difficulté, si ce n'est celle de passer 3 fois devant sans la voir. En outre vous noterez que ce panneau-ci est en très bon état. J'en ai vu qui ont du faire le Vietnam tellement ils étaient illisibles !
    Toutefois ce n'est pas le plus fréquent non plus car, dans le mode "furtivité avancée", voici ce que l'on trouve de façon très habituelle comme arrêt de bus :

    Figure 3 : Oukilé ?

    Vous avez vu ? Non ?

    Betty, s'il vous plaît, faites nous un agrandissement 100% avec interpolation spectrométrique et raisonnance des rayons Gamma...

    Figure 3bis : agrandissement 100% 
    avec interpolation spectrométrique et raisonnance des rayons Gamma.

    Merci Betty.
    Ça va mieux comme ça ? Vous voyez maintenant ? Vous voyez le 17 et le 3 délicatement peints à la main sur le poteau métallique de façon très visible? Ben voilà : ça, c'est un arrêt de bus pour les lignes 17 et 3. C'est extrêmement fréquent. Attention, ce poteau n'a pas été installé là pour faire office d'arrêt de bus : il ne s'agit ni plus ni moins que d'un simple poteau électrique...

    Parfois on a même le droit a de magnifiques combos. Démonstration : 

     Figure 4 : Cékoi kifovoir ?

    Là par exemple s'arrêtent les bus 59, 10, 13 et 1...
    Betty, s'il vous plait, voulez-vous bien nous faire à nouveau un agrandissement 130% avec interpolation spectrométrique et magnéto-raisonnance plasmique ?

     Figure 4bis : agrandissement 130% 
    avec interpolation spectrométrique et magnéto-raisonnance plasmique.

    Merci Betty...

    Voyez : 59 et 10 sur le panneau métallique, puis le 13 et le 1 sur le poteau électrique, toujours dans ce style furtif inimitable. Prendre le bus à Buenos Aires suppose davoir de très bon yeux et aimer les jeux de cache-cache...

    Mais prendre le bus à Buenos Aires, c'est parfois - aussi - être confronté à la quatrième dimension... Livrons nous à une petite expérience que vous pouvez réaliser simplement chez vous. 
    Revenons, si vous le voulez bien, à la toute premère photo de ce billet, celle de la parada - a priori - normale et approchons-nous du panneau d'indication des lignes.

    Betty, gros plan s'il vous plait.
    Merci Betty.

    Figure 5 : La vérité est ailleurs...

    Vous avez 5 minutes pour me lister toutes les lignes qui s'arrêtent ici...

    C'est bon ? Un indice : il y en a 2 et demi !
    Tout le monde aura trouvé, je suppose, le 38, bien visible tout en haut. Ceux qui ont une excellente vue et un sens aigu du jeu auront aussi vu que sous INFOBAE, on peut lire - presque totalement effacé - le 17, qui passe et s'arrête bel et bien par là. D'ailleurs le panneau vert écrit en orange le confirme, car ce sont les couleurs de la signalisation de la ligne 17.

    Mais ce n'est pas tout... il reste la demi-ligne : le 38 qui fait 60... 
    Le 38 qui fait 60, voyez-vous, c'est un bus de la ligne 38 qui ne fait pas tout à fait le trajet de la 38, ni celui tout à fait de la 60, mais qui en emprunte des morceaux, et qui porte le numéro 38. Donc, avant de grimper dans un 38 il faut obligatoirement s'assurer que c'est vraiment un 38, et non pas un 38-60 qui ne vous conduira pas où vous le voudrez.

    Parfois l'énigme est encore plus épaisse : la ligne existe, vous voyez d'ailleurs de temps en temps des bus passer, mais vous ne trouvez aucune parada sur le trajet. Aucune. C'est un peu comme le train pour Pau : il y passe, mais ne s'y arrête pas.  Aujourd'hui, malgré la dizaine de personnes à qui j'ai posé la question et qui m'ont toutes donné des indications différentes, j'ai tourné plus d'une heure sans jamais voir l'ombre du moindre petit 60...

    Alors si d'aventure vous trouvez une parada de la ligne 60, envoyez moi des photos !

    15 décembre 2012

    La photo du mois : "Détail"

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    Bonjour bonjour, c'est l'heure de notre rendez-vous habituel avec La photo du mois. Et peut-être la dernière, étant donné que la fin du monde est proche...

    Pour cette utlime nouvelle édition, c'est Krn qui nous propose le sujet suivant : "Détail".

    Des événements récents à Buenos Aires m'ont donné l'occasion de faire cette photo. Elle n'a rien d'extraordinaire me direz-vous. Et pour cause, tout est dans le détail...
    Cette photo a été prise le 6 décembre dernier, en centre ville, vers 15 heures. Il pleuvait, beaucoup. Vraiment beaucoup. Un véritable déluge : ce jour-là, il est tombé entre 130 et 140 mm d'eau, alors qu'en décembre il tombe en moyenne 110 mm. En quelques heures seulement il a donc plu davantage qu'en un mois complet.

    Le bilan ne fait pas non plus dans le détail : des routes inondées, avec parfois jusqu'à 80 cm d'eau dans certains quartiers dont les rues se sont transformées en torrents, accès aux autoroutes coupés, circulation fortement perturbée, métro noyé, gare de trains fermées, coupures d'électricité dans toute la ville... Pendant plusieurs heures la ville a été plongée dans un chaos encore plus impénétrable qu'il ne l'est d'habitude. Trois personnes sont mortes noyées, vraisemblablement emportées par le courant.

    Les insupportables médias argentins ont fait leurs choux gras de ces événements météorologiques, à grand renfort d'images choc de voitures emportées par le courant, de torrents de boue, et des kilomètres d'embouteillages aux portes de la ville. Puis, dès le lendemain ils sont passés à autre chose, comme si rien ne s'était passsé.

    Un détail...

    Et pas une ligne dans les médias Européens qui ont certainement estimé que ce détail ne méritait guère leur attention.

    C'était le 6 décembre dernier, à Buenos Aires, l'une des plus grandes villes du monde. Juste après que, plus tôt dans la matinée, un container de produits chimiques a explosé dans la zone portuaire de Puerto Madero, un quartier très fréquenté à deux pas du centre ville, couvrant plusieurs quartiers d'un épais nuage de vapeurs toxiques. Un ordre d'évacuation de tout le sud de la ville avait même été donné. Un autre "détail"...


    Tout n'est que détail.

    Allez voir la contribution des autres membres du goupe de La photo du mois
    100driiine, A&G, Agrippine, A'icha, Akaieric, Alban, Alexanne, Alexinparis, Alice Wonderland, Angélique, Anita, Anne, Anne Laure T, Annick, Arwen, Ava, Batilou, Bestofava, Blogoth67, Calamonique, Caprices de filles, Cara, Carnets d'images, Caro, Carole In Australia, Caterine, Cathy, Cekoline, Céliano, Céline in Paris, Cessna, oui !, Champagne, Cherrybee, Chris et Nanou, Christeav, Cindy Chou, Clara, Coco, Cocosophie, Cook9addict, Cricriyom from Paris, Cynthia, Dame Skarlette, David et Mélanie, DelphineF, Djoul, Dorydee, Dr. CaSo, Dreamteam, E, El Padawan, Eloclemence, Emma, Eurydice, Fanfan Raccoon, Filamots, Flo, François le Niçois, Frédéric, Galinette, Gilsoub, Giselle 43, Gizeh, Guillaume, Happy Us, Hibiscus, Isabelle et Gilles, Isaquarel, J'adore j'adhère, Jean Wilmotte, Josiane, Juriste-in-the-city , Karrijini, Kob, Krn, Kyoko, La Fille de l'Air, La Flaneuse, La Messine, La Nantaise, La Papote, La Parigina, LaFamilleD , LaGodiche, Laure, Laurent Nicolas, Lauriane, Lavandine, Le Mag à lire, Les bijoux de Sandra, Les petits supplices !, Les voyages de Lucy, Les voyages de Seth et Lise, Leviacarmina, Lhise, Lisa doré, LisaDeParis, Lo, Louisianne, Lucile et Rod, Lyonelk, magda627, Maïder, Maïeva Voyage, Mamysoren, Marion, Marmotte, Melting Pot, Mgie les bons tuyaux, Misscarone, Mistinguett, N, Nana, Narayan, Nataru, Nathalie, Nicky, Nikit@, Nora, Olivier, Ori, Pat Québec, Pilisi, Renepaulhenry, scarolles-and-co , Sébastien, Sephiraph, Shandara, Sinuaisons, Skipi, Solveig, Sophie Rififi, Stephane08, Supalisa, Testinaute, Thalie, The Mouse, Titem, Un jour une rencontre, Une niçoise, Valentine, Vanilla, Violette, Virginie, Viviane, Xavier Mohr, Xoliv', Zapo, Zaza.

    5 décembre 2012

    Puerto Madryn (2e partie) - Moby Dick et les extraterrestres

    7 commentairess
    Bon, j'en étais où moi de mon récit ? Ha, oui : les baleines de Puerto Madryn ! Bien...

    La Peninsula Valdes est un lieu assez unique en Argentine et dans le monde entier. Située en Patagonie, la presqu’île de Valdés est un site d’importance mondiale pour la préservation des mammifères marins. En plus d'héberger d'importantes populations d’éléphants et de lions de mer, ses zones côtières sont aussi - et surtout - un lieu de reproduction des baleines franches australes, menacées d'extinction.

    La saison de reproduction s'échelonne grosso-modo de août à novembre, avec un pic d'activité en septembre et octobre, mois durant lesquels ça grouille littéralement ! (allez faire un tour chez Sandrine pour avoir une idée de ce que ça peut être une baleine au top de sa forme).

    Être en Argentine à cette période est une invitation ouverte à aller faire coucou aux baleines. Aussi, j'ai fait des bonds de 10 mètres lorsque j'ai appris (dès septembre) que notre itinéraire passerait par la Péninsule Valdes.

    Même si l'on peut les observer depuis la côte avec une paire de jumelles, il est possible, au moyen d'un bateau, d'aller voir les cétacés d'un peu plus près avant qu'ils ne se cachent à l'eau. (Un calembour subtil s'est astucieusement caché dans cette dernière phrase. Sauras-tu le retrouver ?).


    Après nous être dûment acquittés de notre ticket et avoir enfilé notre gilet de sauvetage, nous embarquons  sous un soleil éclatant.  Le bateau est tracté jusque dans l'eau par un remorqueur, ça tangue un peu. Puis vient le ronron sourd du moteur, on s'élance, ça y est, nous sommes en route. 

    Et je crois que c'est à ce moment que nous avons basculé, sans le savoir, dans un univers parallèle...



    A bord, tout semble normal. La guide nous donne quelques consignes et nous explique sommairement le mode de vie des baleines australes. Pendant ce temps le bateau longe nonchalamment la côte pour peu à peu prendre le large. Le temps est splendide. La rencontre s'annonce exceptionnelle. Elle le fut...


    Accoudé à la rambarde, je regarde l'eau défiler et scrute l'horizon afin de détecter la présence d'éventuelles baleines. Mais à côté de moi, ça a plutôt le nez en l'air.

    "Ho regardez !" s'exclame quelqu'un en pointant son doigt vers le ciel. "Ho oui..." répond une autre personne. Intrigué, je lève la tête pour voir de quoi il s'agit exactement. "La colombe"... se pâment-elles en choeur. Effectivement, en observant les nuages qui striaient le ciel, et avec un peu d'imagination, on pouvait deviner la forme d'un oiseau en plein vol. Pourquoi pas une colombe ; moi j'y voyais plutôt un aigle (si si, la forme du bec ne laissait aucun doute à ce sujet). En tout cas un heureux présage.

    Pensez-vous : une colombe !


    A peine moins de cinq minutes plus tard retentit un drôle de bruit. Sur le coup je n'ai pas du tout compris ce que j'entendais : un vieux en train de s'étouffer ? Une vigogne pneumonique ?
    Non, c'était tout simplement la bonne femme de tout à l'heure qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que de souffler dans un énorme coquillage. Un appeau à baleines...

    C'est bien connu : il suffit de souffler dans une coquille de bulot vide pour que, aussitôt, Moby Dick et toute sa bande ne rappliquent. Tout le monde sait cela. Il paraîtrait même que souffler assez longtemps dans un violoncelle peut faire venir Rostropovitch !

    Mais bientôt notre charmeuse de baleines est rejointe par une autre - de la même tribu si l'on en juge à leur tenue vestimentaire néo-hippie - elle aussi pourvue d'un imposant machin nacré dans lequel elle s'époumone consciencieusement.

    Le reste des passagers est partagé entre indifférence et envie de meurtre...

    Mais ce n'est pas tout...

    Certainement emportée par de puissants élans mystiques dont seules les drogues dures et Mylène Farmer ont le secret, une dame d'une cinquantaine d'années assise à ma droite, et vêtue de la même façon que ses coreligionnaires, désigne à son tour quelque chose dans le ciel. Je vous jure sur la tête de mon chat que ce qui suit est absolument authentique :

    "Ho qu'est-ce que c'est ? demande-elle.
    - Quoi donc ? répondis-je, ne voyant rien qui fut digne d'attirer mon attention.
    Ça... là..."
    Effectivement, en écarquillant suffisamment les yeux, il y avait bien quelque chose dans le ciel. Quelque chose en train de voler dans l'atmosphère et qui laissait derrière deux fines traînées blanches, comme le font habituellement les avions.
    " Je crois que c'est un avion...
    - Un avion ? Il y a des avions qui passent par ici ? me demande-t-elle aussi étonnée que si on lui avait annoncé qu'on avait trouvé du pétrole sur la Lune.
    - Heu... oui... ne serait-ce que pour aller au Sud, en Terre de Feu par exemple.
    - Ha..." répondit-elle, visiblement déçue que ce ne fut pas autre chose d'un peu moins terrestre et d'un peu plus inter-galactique qu'un simple avion de ligne.

    A ce moment j'ai commencé à regretter que l'eau ne fut pas infestée de requins.

    Manifestement agacée par les vagissement de nos deux concertistes, et prétextant (avec une bonne dose de mauvaise foi) la fragilité des oreilles de nos amies les baleines, la guide intervient avec fermeté pour faire revenir un peu de silence sur le pont. Il était temps car il s'en est fallu de quelques minutes avant certain(e)s ne  dussent rentrer à la nage.

    Et puis soudain apparaît au loin une forme noirâtre. Une baleine ! Le bateau s'approche, doucement. Le silence se fait, l'excitation monte.


    Une baleine ! Elles remontent à la surface pour respirer toutes les 45 minutes. Il faut donc être au bon endroit au bon moment et compter pour cela sur un peu de chance. Surtout qu'en novembre elles ont déjà commencé à regagner la haute mer.

    Un peu plus loin c'est une maman et son baleineau que nous approchons. Pendant les premières semaines, le "petit" ingurgite 150 litres de lait par jour et grossit environ du même poids... On ne voit pas trop mais l'eau était assez claire et, par transparence, on devinait toute la masse des bestioles. On est tellement près que l'on pourrait les toucher. C'est assez impressionnant.


    Comme on pouvait s'en douter, toute cette émotion n'a pas laissé indifférent l'équipage rescapé du Nostromo qui nous faisait la joie de sa présence à bord. Ne pouvant plus souffler dans leur coquille d'huître, elles se sont mises à.... chanter. Une sorte de litanie dédiée à la nature, je n'ai pas trop compris les paroles. En soi ce n'était pas vilain. C'était juste super lourd... car cela a duré jusqu'à notre retour au port.

    Des baleines nous en verrons quatre. C'est beaucoup mais en réalité assez peu en comparaison avec ce que l'on peut observer en pleine saison. Ce n'est pas bien grave, le spectacle et l'émotion étaient au rendez-vous.

    Voici déjà le temps de faire demi tour et de regagner le rivage. Le bateau rebrousse chemin dans un silence contemplatif. Un peu étourdis par le soleil et les émotions, on se laisse bercer par le ronron du moteur. Tout le monde semble ravi de ce qu'il a vu et surtout vécu : ce n'est pas tous les jours que l'on a la chance d'approcher des baleines de si près.

    A l'arrière du bateau, appuyé contre la coque, un gars de la même guilde que nos vaillantes dompteuses de baleines, s'adonne à une petite séance de transe en faisant vibrer un bol tibétain...

    Tout va bien.

    A suivre...