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  • 18 décembre 2015

    Вы говорите по-русски ?*

    Apprendre les langues étrangères a toujours été une forme de plaisir. Lorsque j'étais au collège puis au lycée, parler, participer et m'approprier des mots nouveaux en classe a toujours été un régal. Faire des phrases, construire, reconnaître des mots, savoir les réutiliser étaient et demeurent autant de possibilités d'expression, de comprendre d'autres personnes et de cultures, autant d'opportunités de rencontres, d'échanges et d'enrichissements.

    Au sortir du lycée il y a de cela maintenant plusieurs années, je m'étais mis bille en tête d'apprendre le russe. Probablement parce que j'avais, à l'occasion d'un échange culturel entre chorales, rencontré un groupe d'Ukrainiens qui ne parlaient rien d'autre que leur langue maternelle ou le russe et, pour l'un d'entre eux, l'espagnol. La langue de Cervantès fut par conséquent, et aussi surréaliste que cela puisse paraître, notre seul moyen de converser utilement...

    Le bac en poche, parallèlement à mes cours à la fac, je m'étais donc inscrit à des cours de russe. Je découvrais alors avec délices les mystères de l'alphabet cyrillique, sa prononciation, ses écritures et déchiffrais progressivement ce qui était encore naguère pour moi de véritables hiéroglyphes. Je ne tiendrai hélas le coup que quelques mois, des études exigeantes couplées à d'autres activités notamment musicales, toutes aussi exigeantes, ne me laissant que trop peu de temps pour y consacrer les heures nécessaires. Je ne parle donc pas le russe et je ne comprends pas davantage. Un regret, parmi tant d'autres...

    La culture slave ne lassait pas de m'intéresser pour autant. Je me délectais de Tolstoï (dont je dévorais l'Anna Karenine !), de Dostoïevski, savourais les œuvres de Rimsky-Korsakov, Prokofiev et autres Moussorgski. Tout ce petit monde demeure encore aujourd'hui dans un panthéon personnel comme autant de sommets. Et puis il y a cette fameuse "âme slave", noble, sévère, probablement exagérément romantique, mais tellement unique. 

    Parler d'autres langues donc... je me souviens lors de mon voyage au Brésil, de cette frustration suprême de ne pas pouvoir parler avec les locaux ni de ne comprendre ce qui se disait autour de moi, comme si, privé d'oreille, j'avais visité le pays avec un bandeau sur les yeux ! En miroir inverse, c'est une joie décuplée que j'avais pu éprouver en Argentine et un peu partout en Amérique Latine, que mon oreille se fonde littéralement dans la masse sans que la langue ne soit un quelconque obstacle.

    Je me souviens d'une phrase qu'avait dite une dame d'un certain âge au longs cheveux argentés, un soir de septembre 1997 (il y a presque vingt ans... mon dieu le coup de vieux !) alors que j'étais bloqué avec d'autres passagers à l'aéroport de Munich en raison d'une panne sur l'avion. Un petit groupe s'était spontanément constitué puis regroupé autour d'une table de restaurant au troisième étage de l'aéroport. Le sens général de la conversation m'échappe aujourd'hui mais je me souviens très bien du contenu : "parler des langues étrangères nous permet de nous sentir chez nous partout dans le monde". Je trouvais cette idée absolument fantastique.

    Avec le temps et les voyages, j'ai compris que parler une langue étrangère n'est pas qu'un pur exercice de mémoire. C'est avant tout une aventure, une ouverture sur une autre façon de raconter le monde. Chaque langue est un prisme, avec ses avantages, ses inconvénients, ses richesses, ses lacunes. Et la possibilité de pouvoir jongler avec plusieurs d'entre elles dévoile je crois tout autant de facettes de notre monde, comme autant de reflets d'une même réalité.

    Un élément qui ne manque jamais de me fasciner est l'héritage culturel véhiculé par les langues. Souvent imperceptible au premier coup d’œil, il s'agit de véritables trésors de l'esprit. Ainsi, dans une émission de radio que j'aime beaucoup, j'avais ainsi été fasciné d'apprendre que des linguistes avaient réussi à déterminer que, dans la langue mongole, le mot "cheval" était apparu avant le mot "mer" ce qui signifiait par conséquent que les premières tribus Mongoles ne connaissaient pas et donc n'avaient jamais vu la mer...

    Pour ceux qui parlent espagnol, il est un tout petit exemple que je trouve personnellement d'une richesse infinie et  qui en dit très long, c'est le rapport entre le mot "olive" et le mot "huile". Olive en espagnol, se dit "aceituna" et huile se dit "aceite". Contrairement au français, les deux mots donc partagent en espagnol la même racine ce qui atteste de leur rapport étroit et qu'en Espagne, l'huile est forcément et culturellement d'olive, depuis des siècles...

    A l'instar de l'espagnol et de l'anglais, il y a beaucoup de langues que j'aimerais apprendre et savoir parler : le russe donc ; l'allemand que j'admire pour sa rigueur et sa structure agglomérante ; l'arabe pour son écriture et la richesse infinie de ses cultures ; le turc, parce que les Turcs sont probablement parmi les plus beaux garçons de la planète...

    L'autre jour à la salle de sport, je partageais les vestiaires avec deux garçons, l'un d'une bonne vingtaine d'années, l'autre dans la quarantaine. Tous deux blonds, la peau très blanche, solidement bâtis, silencieux. Lorsque le premier prit la parole pour s'adresser au second, je reconnus immédiatement les accents rugueux et souples à la fois de la langue russe. Travaillant dans une ville à légionnaires, cela n'a rien d'étonnant. 

    Assis sur mon banc et tout à mon affaire, je les écoutais discuter quelques instants, sans rien comprendre à ce qu'ils pouvaient se dire mais fasciné par l'idée que ces sonorités impénétrables contenaient des mots, des phrases et donc recelaient un message parfaitement clair pour eux mais dont le sens m'échappait.

    Alors fermant les yeux et les écoutant parler, je voyageais un peu et voyageai encore lorsque le silence revint et que, les vestiaires vides, je me retrouvai seul sur mon banc...

    * Parlez-vous la langue russe ?

    11 commentairess:

    1. À l'instar de François Mauriac, j'ai toujours été et je mourrai "désespérément monoglotte". Pour deux raisons, je pense. La première, la plus anecdotique, c'est que me sentir "partout chez moi dans le monde" ne m'a jamais paru un idéal bien excitant, et même le contraire : quel intérêt d'aller à l'étranger si c'est pour s'y sentir chez soi ?

      Mais, surtout, il y a le fait que, lorsqu'il m'arrive d'être contraint d'utiliser l'anglais ou l'espagnol, je sis littéralement hanté à l'idée de faire des fautes, de parler mal. (Ne me répondez pas que c'est idiot : je le sais fort bien !) Si bien que, si je ne suis pas absolument sûr de la correction de la phrase que j'ai laborieusement préparée dans ma tête, j'en suis réduit à me taire. (Je reconnais que ce blocage a tendance à se lever tout seul après cinq ou six bières…)

      En revanche, je crois posséder à peu près la langue française. C'est ce qui me permets de vous signaler que vous avez remplacer à tort le verbe "laisser" par "lasser" (La culture slave ne lassait pas de m'intéresser) ; mais cela peut passer pour une faute de frappe non repérée, donc : absolution.

      Par contre, vous me direz trois Pater et deux Ave pour ne pas savoir ce que signifie l'expression "bille en tête" ! « je m'étais mis bille en tête d'apprendre le russe » : non ! Vous vous l'étiez simplement mis "en tête". Ensuite, éventuellement, vous avez pu vous lancer dans cette étude bille en tête, c'est-à-dire, un peu étourdiment, sans trop peser le pour et le contre, "à la hussarde", pourrait-on dire.

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      1. Pardonnez-moi, Mon Père, car j'ai péché...

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      2. Ça passe pour cette fois… bien que votre imparfait du subjonctif, plus bas, soit tout à fait hors de saison !

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    2. Qui sait si ces deux beaux légionnaires ne parlaient pas de toi !?

      Le monoglottisme est une maladie très française et j'ai bien du mal à en guérir. Pourtant quel plaisir à jouer avec une autre langue ! J'avais été terriblement frustré, en Amérique latine, de ne pouvoir échanger que de pauvres phrases anglaises avec un adorable portugais.
      Quelle pitié de penser aussi que mes grands-parents occitans, parfaitement bilingues, n'ont pu me léguer, par étroitesse d'esprit d'une politique républicaine, cette qualité qui ouvre aux langues étrangères.

      Pour t'éviter un acte de contrition, je te propose plutôt "je m'étais mis, bille en tête, à apprendre le russe".

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      1. Oui, là, ça devient tout à fait recevable, en effet.

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      2. Reste à savoir comment on dit "bille en tête" en russe…

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      3. Estèf : Je doute qu'ils parlassent de moi... Et au fond, qu'importe ?

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      4. Didier Goux : Selon GoogleTranslate, "bille en tête" se dit "в лоб" en russe (prononcer v lob), ce qui semble littéralement signifier "de front".

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      5. On se sent déjà moins con ! J'ai bien hâte de rencontrer un sujet du tsar Vladimir pour pouvoir faire étalage de ma science neuve…

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      6. Huile et vinaigre ?
        Tambour, les Espagnols sont contrariants, tu en conviendras. Je ne te parle pas des élections, mais du lexique. Tu parles d’aceite pour l’ « huile », et d’aceituna pour « olive ». Tu as omis de mentionner le doublon d’ « olive » : oliva. Et si on fait un peu d’étymologie, les choses se compliquent encore : en effet, aceite provient du latin acetum qui signifie « vinaigre » et par extension « acide ». L’italien connaît aceta qui provient directement du latin pour le « vinaigre ». Ainsi donc, si je dis que les Espagnols sont contrariants, c’est parce qu’il aurait été plus simple de faire dériver l’huile de l’olive, comme l’ont fait les Italiens avec oliva et olio, ou les Grecs avec ελιά et έλαιο. En fait ils se sont attachés à la qualité de cette huile qui est acide (latin acidus, dérivé de acetum). Et comme tu l’as laissé entendre, la langue révèle également les pratiques culturelles ; pour quelle raison l’huile ibérique a-t-elle été considérée comme acide ? Peut-être les méthodes de pression, de conservation, ou plus simplement les variétés d’olives. En tout cas, la comparaison entre quelques langues méditerranéennes montre que c’est bien l’olive qui fait l’huile. En français, tu t’es laissé piéger par un phénomène d’orthographe pourtant très simple, et c’est bien l’olive, là encore, qui est à l’origine de l’huile. L’occitan, autre frère du français, connaît l’oliva et l’òli. Pour passer de l’occitan au français, quelques évolutions synchroniques interviennent, et ici, une diphtongaison du phonème tonique [o] qui passe progressivement à [uè], c’est le cas de l’arpitan de la région dauphinoise, puis à [ui] ; donc on trouve òli, uèli, uèle, uile. Et comme le français est largement plus tordu que l’espagnol, les pratiques du français ont rajouté un h explétif devant le substantif. C’est donc finalement assez simple.
        Et il faut toujours se méfier des apparences !

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      7. Bonjour,
        Moi aussi, j'ai eu cet élan vers la langue russe et aussi vers toute la Russie, qui était pourtant à l'époque la très diabolisée URSS.
        Je n'ai jamais vraiment perdu le contact.
        Je vais me permettre de donner mon avis sur l'expression "bille en tête" qui est une expression du monde du billard. Cette figure consiste à frapper la boule blanche de haut pour la faire partir brusquement vers l'avant en roulant.
        J'aurais traduit ça par "Нака́том" qui signifie "avec élan, sans freins, en roue libre" plutôt que par "в лоб" qui évoque plutôt le coup de boule. Mais après tout, peut-être peut-on considérer les deux, c'est à dire "Нака́том в лоб".

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    Bonjour, vous êtes bien chez Tambour Major.

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